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Live reports / 06.10.2022

Eastside Kings Festival 2022, Austin, Texas 

9 au 13 Septembre 2022. 

La 10e édition du Eastside Kings Festival a confirmé que celui-ci mérite vraiment une place à part dans la longue liste des festivals blues aux États-Unis. Son organisateur, Eddie Stout, par ailleurs bassiste mais surtout producteur historique sur la scène d’Austin avec son label Dialtone, a voulu à travers sa localisation dans les quartiers Est, historiquement afro-américains mais menacés par la gentrification, rendre hommage à l’un des berceaux du blues au Texas. 

La soirée d’ouverture le vendredi, chez Antone’s en ville, donne le ton par sa variété avec Gypsy Mitchell, ex-Relatives, et son gospel soul légèrement psyché, suivi d’Ernie Johnson et son soul blues à l’ancienne avec références appuyées à Bobby Blue Bland, qu’il a côtoyé dans sa jeunesse dans les clubs de Dallas Fort Worth. Tail Dragger en grande forme conclut avec son Chicago blues, nous ramenant dans les clubs de la Windy City 60 ans en arrière. 

Le samedi à l’heure du déjeuner, workshop chez Austin Vintage Guitars avec le soutien du magazine Living Blues et c’est l’occasion pour les artistes du festival présents de nous régaler avec chacun une courte biographie et une vivante démonstration chant-guitare de leur style personnel. Magique !

Austin Vintage Guitars © MP

On enchaîne à partir de 17 h à East Austin où le festival est installé pour deux jours à un croisement de deux rues, d’un côté avec une scène sur le parking d’un ancien garage, de l’autre dans plusieurs bars et clubs collés les uns aux autres le long de 12th Street. Les artistes et groupes jouent simultanément et il faut éventuellement courir d’un endroit à l’autre pour en rater le moins possible ! À retenir en tout cas les prestations de Eugene Hideaway Bridges, le Louisianais de Houston, guitariste et chanteur enthousiaste de soul blues, sur le parking, puis celle de Little Jimmie Reed, au célèbre King Bee, bien poussé par un backing band de luxe avec Jay Moeller (batterie), Hash Brown (guitare), Nick Connolly (orgue) et le vétéran Bill Campbell (basse) ; et enfin celle, pour son grand retour, de Guitar Slim Jr très en forme et dont on se demande pourquoi il n’a rien enregistré ou presque depuis 1988. 

Mais la grande révélation de la journée est le jeune Sean “Mack” McDonald, 21ans, originaire d’Augusta, Géorgie. Ce protégé de Jontavious Willis délivre un set  éblouissant, confirmant sa déjà grand maîtrise des codes blues électrique moderne et affichant des influences allant de T-Bone Walker à Chuck Berry en passant par Freddie King. À suivre ! Pour l’anecdote, derrière lui à la batterie joue Hunt Sales ex-accompagnteur de David Bowie, qui réside à Austin depuis déjà de nombreuses années. Intéressant également parmi les différents backing bands de l’après-midi, était utilisé au bar Outer Heaven le groupe Je’Texas, nouveau projet acid blues rock du guitariste Dylan Bishop qui semble vouloir reprendre les choses là où Cream les a laissées en 1969… 

Sean “Mack” McDonald, avec Hunt Sales à la batterie © EH

Samedi soir, retour chez Antone’s avec une sérieuse triple affiche soul blues, dont l’impact a peut-être été amoindri par les accompagnateurs utilisés, moins dynamiques que ceux présents sur les derniers albums existants ou à venir des artistes en question, même si d’ailleurs les Japonais de Bloodest Saxophone, eux, ont impressionné tout le monde par leur précision et enthousiasme !

La soirée commence avec le retour de Trudy Lynn, The Soul Queen of Houston, qui a sorti un très bon nouvel album cette année sur Nola Blue et qui fait le show, voix et enthousiasme intacts. Suit Crystal Thomas accompagnée par Bloodest Saxophone : toujours ce talent naturel même si le choix de morceaux peu connus a un peu surpris. La soirée s’achève avec Stan Mosley, chanteur typique de l’école southern soul, qui vient de terminer un album pour Dialtone avec la même équipe que le dernier Crystal Thomas. À revoir rapidement en Europe on l’espère, avec si possible les frères Moeller et compagnie !  

Deuxième après-midi à East Austin le dimanche, et on remarque particulièrement Anthony “Big A” Sherrod et son Mississippi blues à la Big Jack Johnson dont il est le filleul, bien poussé par les talents locaux Jay Moeller et Johnny Bradley à la rythmique, avec le grand Steve Fulton à la guitare, les mêmes accompagnant d’ailleurs Guitar Slim Jr deux heures plus tard. 

Sinon, le centre de l’action est sûrement ce jour-là le King Bee Lounge, bar-club historique du quartier qui permet d’imaginer un tout petit peu l’ambiance dans les années 1950 et 1960 à la grande époque du Chitlin’ circuit et du Victory Grill, club mythique du quartier, disparu depuis bien longtemps. Premier artiste du jour sur la scène du club, une légende du jazz d’Austin, Dr James Polk, 82 ans, organiste et arrangeur de Ray Charles pendant dix ans, qui propose un soul jazz évoquant Les McCann. Splendide et émouvant ! 

Après lui, Eugene Hideaway Bridges puis Crystal Thomas concluent pour nous ce week-end magique pour lequel on ne peut que remercier notre ami Eddie Stout, qui offre en supplément aux festivaliers une after-party le mardi suivant chez Justine’s, bar-restaurant français d’East Austin. Ce sont donc bien les Japonais de Bloodest Saxophone, R&B fifties vrombissant et blues old school à tomber, qui auront le dernier mot sur la scène blues extérieure du restaurant, sous les étoiles. 

Encore 

Et pendant ce temps-là, dans les clubs, en ville, la vie suit son cours avec comme toute l’année à Austin une offre de concerts en tout genre incroyable. Vu le jeudi soir, veille du festival, Mike Barfield a.k.a. Barfield The Tyrant Of Funk, qui joue chaque semaine au Continental Club son personnage de chanteur de country déchu obligé de chanter du funk ! Mais c’est loin d’être une blague et, poussé par les frères Moeller, il assène un funk blues ’60s terriblement groovy et irrésistible pour les danseurs ! 

Autre exemple, le lundi à 18 h 30, toujours au Continental, Eve Monsees, guitariste, copropriétaire du Antone’s Record Shop, et son mari Mike Buck, ex-premier batteur des Fabulous Thunderbirds, servent leur potion habituelle de garage blues mélangé de classiques swamp. Ils avaient d’ailleurs un pop-up store Antone’s dans un bar de la 12e rue le samedi et dimanche et passaient des vieux 45-tours qu’on pouvait ensuite acheter. Un couple passionné et adorable.

Deux heures plus tard, en dehors de ville, au Sam’s Town Point, propriété de Ramsay Midwood, The Little Elmore Reed Blues Band, organisé autour du batteur vétéran Mark Hays, confirme qu’il est bien, et cela depuis des années, le meilleur groupe de blues d’Austin, tout en groove typiquement texan et en finesse instrumentale. La classe. 

Pour conclure, un nom à retenir, celui du groupe The Last Jimenez, nouveau projet de David Jimenez, sous influence Lowell George et Bonnie Raitt, avec Nico Leophonte à la batterie. Ils ont gratifié le public encore présent tardivement le mardi soir, dans le bar de Justine’s, d’un magnifique concert surprise dans un style South Texas soul super dynamique qui laisse espérer un album prochain. Voilà, c’est ça Austin, Texas, “The Live Music Capital of The World’’ ! 

Texte : Éric Heintz 
Photos : Michel Pampelune et Éric Heintz

Bloodest Saxophone © EH
Eastside Kings FestivalEric HeintzMichel Pampelune