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Live reports / 03.09.2019

Dwight Trible, Duc des Lombards, Paris

24 août 2019.

En cette fin du mois d’août, le public du Duc des Lombards est en bonne partie touristique et n’a probablement pas une idée très précise de ce qu’il est venu écouter. Le contraste doit être étonnant pour Dwight Trible, qui se produisait quelques jours plus tôt devant plusieurs milliers de spectateurs au festival We Out There de Gilles Peterson… Il ne cachera d’ailleurs pas son scepticisme devant le calme persistant de la salle !

Longtemps chanteur de l’orchestre de Pharoah Sanders, collaborateur d’Horace Tapscott et de son Pan Afrikan Peoples Arkestra, Trible est l’héritier naturel de Leon Thomas, combinant comme lui un ancrage fort dans la tradition du chant jazz – la voix profonde de Trible évoque par moment celle de Joe Williams – et goût d’une exploration qui s’interdit tout cadre habituel, avec un recours aux onomatopées et aux improvisations qui s’éloignent de la ligne mélodique prévisible. Habitué depuis ses débuts à la fin des 1970 à fréquenter les marges de la scène jazz (notamment au sein du collectif Build an Ark), sa participation remarquée aux deux albums à succès de Kamasi Washington a relancé l’intérêt pour sa musique et lui a permis, après plusieurs années de silence discographique, de publier deux albums en 2017 et 2019, le premier, “Inspirations”, produit par Matthew Halsall, un des parrains du renouveau la scène jazz britannique, et le second, “Mothership”, avec la participation de Washington. 

C’est dans ces deux disques que puise Dwight Trible pour le concert de ce soir. Annoncé en quartet avec une partie des musiciens de “Mothership”, c’est en trio avec une partie des musiciens d’“Inspirations” (le pianiste Taz Modi et le batteur Jon Scott, plus un contrebassiste non identifié) qu’il se présente finalement. À la façon d’une Nina Simone, Trible mêle dans son répertoire quelques compositions à lui et des emprunts variés, venus du folk, empruntés au Great American Songbook ou en provenance de sources contemporaines. Il passe sans difficulté du traditionnel Black is the colour of my true love’s hair au Brother where are you? d’Oscar Brown, revisite Donny Hathaway (Thank you master) comme les Beatles (Tomorrow never knows), salue son mentor Horace Tapscott (Mothership) et Cole Porter (I love Paris, dont il précise qu’il la chante aussi ailleurs qu’à Paris !).

Si sa technique vocale est à chaque instant imparable, elle est au service d’une interprétation riche en surprises – impossible d’anticiper les voies empruntées par son chant – et qui ne s’interdit par l’émotion, par exemple sur le très beau Desert fairy princess. Le résultat est passionnant mais demande une écoute attentive, qu’une certaine monotonie des tempos ne favorise pas toujours, surtout en présence d’un public particulièrement passif. Reste que Trible confirme ici sa place prééminente au sein de l’aristocratie des grandes voix masculines du jazz, en attendant qu’un plus vaste public le découvre… 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Alice Leclercq

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