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Brèves / 05.02.2015

Don Covay : l’autre roi du rock ‘n’ soul

Né le 24 mars 1938, Don Covay s'est éteint samedi 31 janvier 2015 à l'âge de 76 ans. Il ne s'était jamais vraiment remis d'une violente attaque cérébrale survenue il y a plus de vingt ans. Sans cette santé défaillante, l'ancien protégé de Little Richard et grand inspirateur de Mick Jagger aurait certainement bénéficié du regain actuel pour la soul. Au même titre que Solomon Burke, ancien compère du soul clan et champion reconnu du rock 'n' soul.

Wilson Pickett a dit de Covay qu'il était « le pire entertainer [qui soit]. Tout le monde aurait payé pour qu'il sorte de scène ». Mais Pickett, c'était « le méchant » (the wicked). Et peut-être aussi était-il un peu jaloux. Jaloux de celui que Little Richard avait surnommé, à ses débuts vers 1957, « le beau gosse » (the pretty boy). Jaloux d'un surdoué de la chanson, auteur d'une foule de succès aussi bien pour Aretha Franklin (Chain of fools et See-saw) que pour Solomon Burke, Jerry Butler, Gladys Knight & the Pips, Little Richard et … Pickett lui-même. Car avant de remporter son premier succès personnel avec Mercy mercy (Rosemart, 1964), Covay s'installe à New York pour travailler au cœur de l'industrie musicale, chez l'un des principaux éditeurs du fameux Brill Building. C'est là que l'enfant de Caroline du Sud, fils d'un prêcheur baptiste tôt disparu, montre avec quelle habilité et intelligence il manie mots, rythmes et images. Avec une sensibilité folle – You can run (but you can't hide) pour Jerry Butler – ou bien une légèreté dans l'air du temps (Pony time par Chubby Checker).


En 1973. © : Collection Gilles Pétard

Mais ce n'est pas tout : Covay était un interprète hors pair. Recruté sur Atlantic par Jerry Wexler, le chanteur et guitariste imprime un style inimitable à partir du milieu des années 1960. L'équivalent à New York de ce que Curtis Mayfield réalise déjà depuis quelques années à Chicago. Claire ou saturée, une guitare électrique mène le plus souvent la danse. La stéréo joue à plein pour mettre en valeur des arrangements d'une grande finesse. Surtout, les voix sont aériennes, fascinantes. Souvent, elles se répondent, ou se superposent. De ce point de vue, Precious you, enregistré en 1964, est un bijou, une signature qui restera la sienne après son départ de chez Atlantic et qui explique la beauté de son principal succès sur Mercury, I was checkin' out she was checkin' in (en 1973, avec un alter ego qu'il faudrait identifier – Prince Phillip Mitchell ?). Mais la voix de Covay, c'est aussi un cri, un cri soul ou rock, c'est selon, mais un cri tellement semblable à ceux de quelques Britanniques qui, au même moment, changent la face des musiques populaires. C'est Mick Jagger, ou encore Van Morrison. Un océan les sépare et, pourtant, au même moment, ceux-là emploient la même veine parfois violente pour chanter des amours et des tourments de jeunesse. Troublant.  Malgré ses multiples talents, Don Covay n'a publié qu'une petite dizaine d'albums. Sur le dernier, sorti en 2000 grâce à l'un de ses admirateurs, on retrouve plusieurs de ses anciens compagnons, parmi lesquels … Wilson Pickett.
Julien Crué