Hommage à Jacques Demêtre
05.11.2024
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Luc Nicolas-Morgantini, Muddy Waters Jr (debout), Marcelle Morgantini, Bobby King et Didier Tricard. Chicago, octobre 1975 (photo courtesy Didier Tricard).
C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris le décès de Marcelle Morgantini le 23 septembre dernier.
Originaire de la Sarthe où elle était née le 7 avril 1925, veuve d’un premier mariage, elle avait épousé Jacques Morgantini, vice-président du Hot Club de France et conseiller artistique des disques Black & Blue. Ensemble, ils fréquentèrent d’innombrables musiciens de jazz et de blues qu’ils invitaient chaque fois que possible dans leur maison de Gan (Pyrénées Atlantiques). Le cassoulet que Marcelle leur servait est vite devenu réputé dans le milieu musical et a même été immortalisé par Jimmy Dawkins sur son album « Tribute to Orange ».
Impressionnée par la tournée du Chicago Blues Festival de 1974, elle décide d’aller pour la première fois à Chicago en février 1975 où Jean-Marie Monestier lui sert de guide. Impressionnée par le talent de Willie Kent, Bobby King et Willie James Lyons, elle ne comprend pas pourquoi ils n’enregistrent pas. Un second voyage, durant l’été 1975, en compagnie de Jacques, son mari, et de son fils Luc, finit de la convaincre de l’urgence d’enregistrer ces magnifiques musiciens qu’elle découvre elle-même ou par l’intermédiaire de Jimmy Dawkins.
Lorsqu’elle retourne à Chicago en octobre 1975, avec Luc et Didier Tricard, c’est avec le projet bien arrêté d’enregistrer ces musiciens géniaux pour le label qu’elle créera, MCM (pour Marcelle Chailleux Morgantini). La première salve d’albums (aux pochettes jaunes orangées) révèle les noms de Bobby King ou Jimmy Johnson, à côté de valeurs sûres (Dawkins, The Aces). Une seule séance ne verra pas le jour, celle d’Homesick James (passablement « imbibé ») en compagnie d’Eddie Taylor et Bombay Carter.
Une nouvelle expédition en novembre 1976 produit une série de vinyles (aux pochettes vertes) par Eddy Clearwater, Magic Slim et Jimmy Dawkins Certaines des bandes d’alors (Hip Linkchain, John Littlejohn, Blueblood McMahon) sortiront un peu plus tard, avec celles d’une dernière « campagne » en octobre 1977 (Jimmy Johnson, Big Mojo Elem). Trois derniers albums paraîtront avec des titres restés inédits, dont un second volume par Magic Slim.
Ces enregistrements « de terrain », généralement réalisés très simplement dans les clubs, mais en l’absence de public, dans les conditions du « live » ont suscité des débats passionnés tant auprès des critiques que des amateurs. Ce qui reste, trente ans après, c’est un témoignage unique de la scène underground du Chicago blues d’alors, d’une authenticité indiscutable.
Si le rôle de « producteur » de Marcelle Morgantini s’est limité à cette courte période et à 17 albums (en partie réédités en CD Storyville), il n’en a pas moins été déterminant dans l’émergence de bluesmen de premier plan. Sa responsabilité dans le début de carrière de Magic Slim ou de Jimmy Johnson est indéniable. Ce dernier disait d’ailleurs dans nos colonnes (SB 180) : « Je n’oublierai jamais Madame Marcelle Morgantini. Je sais combien je lui dois. Qu’elle soit bénie. »
Nous assurons notre ami Jacques de notre soutien et de notre sympathie en ces moments difficiles.