Jazz Celebration 2024, Théâtre du Châtelet, Paris
09.10.2024
;
21 novembre 2019.
Le Dirty Dozen arrive dans une salle du New Morning un peu changée. La faune y est plus sauvage que d’habitude, on sent bien que les gens sont venus pour s’amuser. Kevin Harris n’est pas de la partie et c’est Greg Davis qui mène la danse, commençant par nous annoncer qu’ils fêtent cette année les 43 ans d’existence du groupe.
Le show a duré deux heures, comprenant vingt minutes de pause où vous pourrez écouter l’excellent Takeshi Shimmura vous raconter sa vie de guitariste néo-orléanais avec un enthousiasme encore intact, comme s’il n’en revenait toujours pas de faire partie de ce monde. Lui et Julian Addison, à la batterie, constituent une section rythmique incroyable qui vaut à elle seule le déplacement. Addison forme avec le Floridien TJ Norris – trombone et chant – la dernière génération ayant intégré l’institution et apportent une énergie et une puissance de feu musicale plus que bienvenues.
Le Dirty Dozen est une machine bien rodée, parfaitement adaptée à un public de fêtards : ce n’est pas parce qu’il est composé de musiciens de première classe qu’ils vont priver les Parisiens des plaisirs simples issus des traditions des fanfares de rue. Le groupe tente de rassembler le plus largement possible en jouant des mélodies connues de tous : Sex machine, In the mood, un Wonderful world joué par Roger Lewis au sax baryton. Le public semble particulièrement ravi d’un Frère Jacques au sousaphone servi par Kirk Joseph, qui parvient miraculeusement à garder toute sa dignité malgré le flux constant de salive qui court sur son menton. Un spectateur particulièrement snob pourrait penser qu’il s’agit là d’une forme répugnante de populisme musical, mais il n’aurait rien compris au Dirty Dozen.
Tout ceci est conçu pour que le public prenne le pas, se sente à l’aise et participe au maximum. Greg Davis lance en permanence des « say eh oh » au public, qui répond en s’égosillant, ce qui nous fait oublier par moments la qualité de son jeu qui par bonheur réapparaît régulièrement. Un spectateur particulièrement grognon pourrait se demander pourquoi un jazzman de ce niveau aurait à jouer les GO de club Med de cette manière, mais il n’aurait rien compris au Dirty Dozen.
À un moment, les musiciens se mettent à gueuler « Hey Sarah! » et le public reprend alors qu’une Sarah McCoy visiblement émue et ravie s’extrait du public pour rejoindre la scène pour démontrer ses talents de danseuse. Elle comme trois autres femmes seront appelées pour danser avec les musiciens alors que le public criera leur nom. Greg Davis et Roger Lewis joueront à plein le rôle de dirty old men en gigotant autour et parfois tout contre ces jeunes femmes. Certains spectateurs un peu puritains pourraient se dire qu’il s’agit là d’une vision datée de la femme mais je ne pourrais pas vraiment en témoigner, puisque je dois avouer qu’à ce moment crucial, j’ai détourné les yeux. Voyez-vous, j’évite de m’exposer à la vision de jolies femmes ondulant sur de la musique de La Nouvelle-Orléans, cette combinaison provoque chez moi des émotions trop fortes pour un homme marié. Mais si vous n’êtes pas trop puritain, snob ou grognon, le Dirty Dozen Brass Band reste une des garanties les plus solides de passer une excellente soirée à crier et à se déhancher.
Texte : Benoit Gautier
Photos © Olivier Linden