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Hommages / 15.04.2019

Dick Dale, 1937-2019

Incontestablement, ce fût le choc musical de 1994 : le générique d’ouverture de Pulp Fiction. Souvenez-vous : alors que l’écran s’éteignait, une cascade de notes coups de poing à forte réverbération vous punchait les tympans, amplifiée encore par la sono du cinéma. Misirlou, créé en 1962 par Dick Dale et que Quentin Tarantino remit en selle ; logique pour un musicien qui, enfant, se rêvait en cow-boy jouant du ukulélé.

Richard Anthony Mansour, beau gosse athlétique né américain de parents d’origine libano-orientale découvrit en 1953 le sud californien et le surf quand papa y fut embauché par un fabricant d’avions. Un peu batteur et trompettiste, il se concentra sur la guitare électrique. Gaucher, il conservera néanmoins le cordage initial pour droitier et obtint un certain succès auprès des teenagers-danseurs du Rendez-vous Ballroom de Balboa. Restait une insatisfaction majeure : son amplification insuffisante. Lui qui pétait littéralement les lampes et les cônes de ses baffles s’en ouvrit à Leo Fender qui finit par comprendre le problème après de nombreux dégâts et quelques visites à ses concerts. Avec son assistant et l’ingénieur J.B. Lansing qui se fera connaitre avec des haut-parleurs de gamme supérieure, ils mirent au point les Fender “Showman” à 100 watts, que Dick Dale coupla encore à sa Strato. Du jamais vu mais quel résultat ! En mettant du câble sur le manche et en poussant la réverbération à fond, le staccato rapide, répétitif et ses single notes mixés à sa propre rythmique produisirent un effet rock inédit, une véritable traduction sonore des vagues du Pacifique s’écrasant sur les rochers.

La culture surf était la même mais exit les gentilles harmonies vocales des Beach Boys sur plagiat de Chuck Berry. Dick Dale était un styliste multiculturel, introduisant dans ses instrumentaux les variations et accords orientaux de sa famille alors que le solo inattendu de trompette renvoyait aux mariachis. Déjà le coup de foudre initial de Let’s go trippin’ (1961) avait enflammé les imaginations, inspirant des vocations. Ses 45-tours et LP cartonnèrent ; des variantes stylistiques apparurent : le sidewalk surfing (la planche à roulettes), le sound des dragsters et des hot rods (1963). Des films sucettes (Muscle Beach Party)… Gloire éphémère. La mode passe. Les Beatles arrivent. Capitol met fin à son contrat (1965). La spirale descendante vers de petits labels, des concerts locaux et des tentatives d’actualisation de son jeu et de ses sonorités sont sans grand intérêt. La période hippie est un travestissement de son art mais des guitaristes dressent l’oreille : Jimi Hendrix et les tenants déclarés du hard rock (Van Halen). Et puis vint Tarantino et sa redécouverte. Bien que peu présent dans nos colonnes, Soul Bag a voulu, par la présente, rendre un hommage sincère à un grand styliste innovateur.

André Hobus
Photo © DR

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