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Live reports / 16.10.2018

Delvon Lamarr Organ Trio

La chronique par notre collègue Franck Cochon de “Close But No Cigar” (SB 232) comme les quelques vidéos chipées en ligne ne laissaient pas beaucoup de doutes sur les capacités et le talent de ce trio de Seattle. Trois soirs au fameux Duc de Lombards nous laissaient l’opportunité d’aller juger sur pièce.

Groove club
L’avantage du format club, c’est qu’installé aux premières loges, le spectacle semble presque privé. L’inconvénient, c’est que si vous avez la bougeotte (et là ça s’y prêtait), c’est compliqué. Devant nous, un Delvon Lamar rigolard et déchaussé (pour jouer les basses) trône derrière l’imposant Hammond-B3 et son enveloppe boisée. Tout fraîchement arrivé dans le groupe à la place de David McGraw, c’est Doug Port qui a la responsabilité des baguettes, quand au milieu de la petite scène, attitude décontractée, cheveux hirsutes et sourire en coin, le guitariste Jimmy James enfourche sa demi-caisse Silvertoneéchappée des sixties. Le décor est planté, à vos marques prêt, feu, partez !

 

 

C’est du souffle circulaire de l’enceinte Leslie (qui rattachée à l’orgue donne ce chaleureux trémolo) que nous parviennent les premières notes du set. Si le patron Delvon, après quelques mots de présentation, est le premier à s’activer sur son instrument, ses deux compères lui emboîtent le pas aussi sec sur Concussion. Un premier titre relevé, tiré de leur album et qui laisse rapidement entrevoir ce que ces mecs ont dans le ventre. 

Sur le modèle des combos soul jazz-mod jazz si nombreux dans les sixties et seventies, le groupe propose logiquement un registre rempli de groove et de vibrations funk. Cocottes à gogo et accords élastiques. Syncopes, drives et breaks soignés à la frappe rock. Orgue généreux (voire même assez churchy) versus envolées inspirées et solos extravagants. 

 

 

Power trio
Une alchimie parfaite qui tourne facilement à l’improvisation selon le chemin emprunté. Une composition telle que Tacoma black party rivalise avec le meilleur des riffs hendrixiens. Et les presque dix minutes de Memphis sont dignes d’imaginaires jam sessions qu’aurait pu pondre un Isaac Hayes, ou les JB’s en formation légère.

À ce petit numéro en zigzag, Jimmy James s’avère d’une espièglerie sans relâche. En intro comme en fin de solo, il lance ou relance la machine à groove en titillant ses camarades avec le moindre gimmick, de Do your thing (Isaac Hayes) à Smells like teen spirit (Nirvana) en passant par Ain’t it funky now (James Brown) ou le classique de Curtis Mayfield, Move on up. Hyper expressif, il passe sans aucune faute de goût ni crânerie d’un jeu tout en souplesse à une furie psychédélique, électrique, saturée et, disons-le, assez bluffante. Le carburant même de ce véritable power trio, c’est peut-être bien lui, d’ailleurs, tant il impressionne. 

 


Jimmy James

 


Delvon Lamarr

 

Si la machine tourne à bloc, c’est que toutes les pièces de ce rouage sont parfaitement ajustées. La complicité semble si naturelle qu’on jurerait que ces gars jouent ensemble depuis la maternelle. Mais c’est finalement le pot commun de leurs influences (ils nous l’expliqueront après, le trio s’est monté en 2015) et ce plaisir communicatif à jouer ensemble qui imprègnent le public et vous refilent des frissons. 

 


Doug Port

 

Partis en Espagne pour la suite de leur trop courte tournée européenne, des rumeurs circulaient déjà ce jeudi soir sur un retour parisien début 2019. En attendant, on vous conseillera vivement de vous procurer leur LP studio et ce “Live At KEPX!”. Deux albums publiés par le jeune label de l’Ohio, Colemine Records.

Jules do Mar
Photos © Frédéric Ragot

 


Jimmy James