;
Live reports / 29.01.2012

D’ANGELO


Kendra Foster, D'Angelo, Jef Lee Johnson

Douze ans ! Ou presque. En 2000, D'Angelo avait marqué les esprits avec son Voodoo Tour, tout comme avec son deuxième album du même nom. Et puis l'icône de la neo soul avait tout mis en standby, empêtré dans diverses addictions. La sortie d'un troisième album sans cesse repoussée relève depuis du mauvais feuilleton. Autant dire qu'on pouvait être sceptique quant à cette énième annonce de retour sur scène avec une dizaine de dates en Europe entre janvier et février 2012. Mais ce 29 janvier à Paris, il était bien là. Et son public aussi : c'est un Zénith presque complet qui l'attendait. Impressionnant.

Quatre choristes, deux guitaristes, ils sont neuf sur scène et les premières mesures du Playa playa qu'ils assènent annoncent le niveau. Du lourd. Surtout à la rythmique : entre Pino Palladino (b) et Chris Dave (dm), la symbiose est telle que la paire booste tout le monde, sous les projecteurs comme dans la salle. La star arrive vite, à la guitare. Malgré un jeu de scène un peu empâté, D'Angelo a l'air en forme, il le confirmera tout au long de la soirée. En dépit d'une sonorisation approximative, il lance ses rythmiques avec une franche énergie et place son chant au fameux falsetto sur ses grooves fumants (Devil's pie, Chicken grease…). Les nouvelles chansons, à dominante rock, auront moins d'effet, si ce n'est en fin de programme le très funky Sugar daddy. Ce sont évidemment ses classiques qui font mouche, et pas qu'un peu. Seul au clavier, il lui suffit d'esquisser quelques notes pour que la salle chante en chœur. On aurait toutefois préféré ce medley moins cabotin – il n'aura finalement qu'à peine chanté des titres comme How does it feel –, d'autant qu'un tour de force semblait à sa portée.


Charles “Red” Middleton, Robert Lumzy, Pino Palladino, Isaiah Sharkey


Cleo “Pookie” Sample, D'Angelo, Jermaine Holmes

C'est sûr, les 2 h 20 de show ne furent pas sans temps morts. Plusieurs enchaînements longuets et des solos interminables (Jef Lee Johnson, qui tartine parfois sans conviction ; un clavier carrément déprimant lors d'une séquence remplissage) eurent raison de la dynamique excitante que le groupe instaura à plusieurs reprises. Mais pas de quoi gâcher de grands temps forts comme une magnifique version tout en retenue de I've been watching you (Move your sexy body) de Parliament qui se mue doucement en un Shit, damn, motherfucker délicieusement ralenti : telle une scène culte qui défile en arrêt sur image, le plaisir dure, intense. Parmi les transformations opérées sur son propre répertoire – révélatrices de l'inventivité du patron multi-instrumentiste –, citons aussi une version funk de Brown sugar en rappel. Un moment chaud qui en appelait notamment à James Brown et aux Ohio Players.


Isaiah Sharkey


Pino Palladino

Au final, pas de quoi détrôner les sommets d'antan mais une prestation plaisante et rassurante. Un rodage avant un vrai retour aux États-Unis ? C'est tout ce qu'on souhaite à ce talent de 38 ans qui aurait encore beaucoup à offrir.
Nicolas Teurnier
Photos © Stella-K


Chris Dave
 


D'Angelo