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Brèves / 15.09.2014

Cosimo Matassa, l’histoire en berne

Le producteur louisianais a donc quitté ce monde le 11 septembre à l’âge de 88 ans. Sa santé déclinante lui avait valu plusieurs séjours à l’hôpital ces derniers mois. Né le 13 avril 1926 à La Nouvelle-Orléans, Cosimo Vincent Matassa entreprend des études de chimie en 1944, qu’il abandonne toutefois dès l’année suivante : à seulement dix-huit ans, il fonde en effet son studio J&M Recording, qu’il équipe pour réaliser des disques à partir de 1946. En dix ans, dans une petite pièce sur Rampart Street (à l’angle de Dumaine Street, dans le quartier français), il va enregistrer un nombre vertigineux de futurs classiques du R&B, du blues et du rock & roll naissant. À partir d’une liste figurant partiellement sur le site du Rock & Roll Hall of Fame, on se « contentera » de citer The fat man (Fats Domino), Lawdy miss Clawdy (Lloyd Price), Mother-in-law (Ernie K-Doe), Good Rockin’ Tonight (Roy Brown), Shake, rattle and roll (Big Joe Turner), I hear you knockin’ (Smiley Lewis), Let the good times roll (Shirley and Lee), The things that I used to do (Guitar Slim), Mardi Gras in New Orleans (Professor Longhair), Land of 1 000 dances (Chris Kenner), Tutti frutti (Little Richard)…


Jimmy Clanton et Cosimo Matassa au Cosimo Recording Studio, La Nouvelle-Orléans, 1958. © : DR / Courtesy of John Broven.

À partir de 1956, il déménage sur Governor Nicholls Street et ouvre son Cosimo Recording Studio. À la liste édifiante des artistes cités plus haut s’ajoutent des collaborations avec Jerry Lee Lewis (comme le rappelle l’écrivain et producteur John Broven, Lewis alors âgé de seize ans a gravé ses premières faces en 1952 chez Matassa), Ray Charles, Lee Dorsey, Paul Gayten, Frankie Ford, Dr. John, Smiley Lewis, Bobby Mitchell, Earl Palmer, Huey « Piano » Smith, Jimmy Clanton, Lee Allen et Alvin « Red » Tyler, sans oublier ses deux grands amis également producteurs Allen Toussaint et Dave Bartholomew… Dans les années 1960, sur son propre label Dover, il est encore à l’origine de deux beaux succès de Robert Parker (Barefootin’) et d’Aaron Neville (Tell it like it is). On dira de Cosimo Matassa qu’il est le bâtisseur du son de La Nouvelle-Orléans, et effectivement, nul autre que lui ne semble mieux mériter ce « titre honorifique ».


© : Julien Crué

Matassa a poursuivi ses activités jusqu’en 1978 avant de se retirer du business (officiellement, du moins…). À partir de 1960, il avait commencé d’apposer de mystérieux codes chiffrés sur ses disques. En 2013, et nous en avions fait écho ici, John Broven a entrepris de déchiffrer ce que nous appelons désormais The Cosimo Code : il a en effet lancé un site Internet du même nom, qui détaille tous les disques réalisés par Matassa de 1960 à 1978, avec les personnels, les titres, les dates de sortie, les références, les labels, des biographies, des liens pour écouter des enregistrements, des commentaires, des anecdotes… Une petite mine d’or. Son œuvre lui a permis d’obtenir une plaque commémorative et de nombreuses récompenses dont les plus prestigieuses (bien que parfois tardives), et il est entré au Rock and Roll Hall of Fame en 2012, puis au Blues Hall of Fame l’an dernier. En 2008, nous avions consacré dans notre numéro 190 deux articles à Cosimo Matassa, l’un retraçant sa carrière signé Sebastian Danchin et une interview de Julien Crué. Une belle double occasion de redécouvrir la destinée d’un homme qui a grandement pesé sur l’histoire des musiques afro-américaines.
Daniel Léon