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Brèves / 18.01.2016

Clarence Reid (alias Blowfly) (1939-2016)

Auteur, compositeur, producteur, patron de label, mais aussi pornographe averti, proto-rappeur et personnage “larger than life”, il n’est pas évident de résumer en quelques phrases la carrière de Clarence Reid, qui s’est éteint ce 17 janvier. Si la majorité des nécrologies et des hommages se focalisent sur son alter-ego Blowfly, c’est sous son propre nom que Reid, qui était né le 14 février 1939 à Cochran en Georgie, se fait tout d’abord remarquer. Dès le milieu des années 1960, il est un acteur majeur de la scène soul de Miami, à la fois interprète avec différents 45-tours sur des petits labels et, en coulisse, en tant qu’auteur, compositeur, producteur et businessman, pour des artistes comme Paul Kelly, Bobby Marchan et Helene Smith.

 

 

C’est à la fin des années 1960, cependant, que sa carrière explose réellement. Il décroche en 1969 un tube majeur – 7e côté R&B et 40e dans le Hot 100 de Billboard – avec Nobody but you baby, suivi d’un album publié par Atco. Mais c’est en tant qu’auteur-compositeur-producteur qu’il obtient le plus de succès, particulièrement à partir du moment où il devient le principal collaborateur d’Henry Stone, un des acteurs phare de la vie musicale de l’État avec ses différents labels. Pendant toute la décennie 1970, il enchaîne, dans ses différents rôles, les tubes pour Betty Wright (Clean up woman, Baby sitter) et Gwen McCrae (90 % of me is you, Rockin’ chair) et écrit également pour Wilson Pickett, Vicki Anderson, Joe Tex, Jackie Moore, Timmy Thomas, Latimore, Millie Jackson et bien d’autres. Il est aussi à l’origine de la découverte de K.C. & the Sunshine Band, pour qui il signe notamment le tube Sound your funky horn. Cette intense activité ne l’empêche pas de graver quelques disques sous son nom, et même de décrocher quelques tubes comme Good old days et Funky party.

 


William Clarke, Betty Wright, Clarence Reid, Steve Alaimo, Henry Stone © DR

 

Habitué à régaler ses amis et ses collègues de parodies salaces des tubes du moment, il se lance à partir de 1971 dans une carrière parallèle d’amuseur à destination d’un public adulte sous l’identité secrète – mais bien gardée – et le masque de catcheur mexicain de Blowfly. Le premier album, “The Weird World of Blowfly” comprend des versions revisitées dans un mauvais goût très sûr de classiques empruntés à Tony Joe White, B.B. King, Otis Redding, James Brown… Le succès est en rendez-vous – bien que la majorité de ses disques n’apparaissent pas dans les classements officiels – et la plaisanterie se prolonge (parfois au-delà du raisonnable) le long de près de trente albums (un dernier disque dans ce registre est annoncé pour février 2016), mettant entre parenthèse la carrière d’interprète “sérieux” de Reid qui semble s’enfermer de plus en plus dans son personnage, d’autant que sa carrière d’auteur-compositeur-producteur pour les autres marque le pas à partir des années 1980.

 

 

Tout en continuant à se produire et à enregistrer en tant que Blowfly, son œuvre passée est redécouverte par une génération de producteur à partir des années 1990 et 2000, et sa musique se fait entendre, par le biais des samples, chez Mary J. Blige, Beyoncé, le Wu Tang Clan, Jurassic Five, Dj Shadow et bien d’autres. Relancé par cet intérêt tardif, il se produit même à Paris, en 2007, devant un public aussi clairsemé que médusé devant la performance surréaliste qu’il livre. Son apparition improbable à cette occasion dans l’émission d’Arte Tracks lui vaut d’ailleurs de faire le bonheur du Zapping… Même si on peut regretter que l’œuvre de Clarence Reid ait été obscurcie par le succès de Blowfly (l’album Atco “Dancing With Nobody But You Darling” est une grande réussite de la soul de la fin des années 1960), ce personnage hors du commun attachant a continué à se produire jusqu’à ce que la maladie l’en empêche.

Frédéric Adrian

 


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