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Brèves / 04.06.2018

Clarence Fountain, 1929-2018

Avec le décès ce 3 juin, à l’âge de 88 ans, de Clarence Fountain, c’est un des derniers liens avec ce qu’il est convenu d’appeler l’âge d’or du gospel, et sans doute un de ses plus grands solistes, qui disparaît.

Né le 28 novembre 1929 à Tyler, dans l’Alabama, Fountain perd la vue à l’âge de 2 ans et rejoint à 8 ans l’Institute for the Deaf and Blind de l’État, situé à Talladega. C’est là qu’il commence à chanter, d’abord dans la chorale de l’école, puis, sous l’influence du Golden Gate Quartet qu’il entend régulièrement à la radio, au sein d’un sextet formé avec des camarades, les Happyland Gospel Singers. Le groupe se crée rapidement une certaine réputation locale, au point de se produire sur la radio de Birmingham WKAX.

Progressivement, leur style, ancré dans l’approche jubilee héritée du Golden Gate Quartet, évolue vers une approche moins policée, marquée par le R&B naissant et plus spectaculaire. En 1947, suite au décès accidentel de Velma Trailer, Fountain devient, avec Paul Excano, le chanteur principal du groupe. Désormais basé à Chattanooga dans le Tennessee, le groupe publie son premier enregistrement, See everybody’s mother but mine, sur le petit label Coleman, suivi de deux autres disques, qui lui permettent d’entretenir une réputation acquise sur le très compétitif circuit gospel. Début 1950, le groupe qui signe avec le label Gospel, basé à Philadelphie, prend le nom des Five Blind Boys of Alabama – même si cette dénomination connaîtra à l’avenir différentes variations. La signature avec Specialty en 1953 permet au groupe – qui retrouve sur certains 45-tours l’identité des Happyland Singers – d’obtenir un plus large succès, prolongé ensuite sur différents labels, parmi lesquels une sous-marque de Savoy également baptisée Gospel (mais sans lien avec l’autre label du même nom) et Vee-Jay. Dès la fin des années 1950, Fountain est identifié comme l’un des solistes majeurs du genre, au point d’être parfois identifié sur certains des 45-tours du groupe. Malgré les propositions régulières, il refuse, pour lui comme pour le groupe dont il est considéré comme le patron, toute offre pour interpréter autre chose que de la musique religieuse. 

 

 

À la fin des années 1960, il décide de se lancer dans une carrière sous son nom, quittant le groupe qui continue à sortir des disques sans lui. Il publie alors une série d’albums remarquables, très influencés par la soul, sur Jewel, ainsi que quelques 45-tours, sans grand succès. À la fin de la décennie, il reforme autour de lui une version des Blind Boys of Alabama qui enregistre plusieurs albums avant de participer à la comédie musicale The Gospel At Colonus. Le succès du spectacle relance l’intérêt pour le groupe, qui enregistre à nouveau pour différents petits labels.

 

 


The Gospel At Colonus, Paris, 1985 © Brigitte Charvolin

 


Valence, 1994 © Brigitte Charvolin

 



Avec Liz McComb et Jimmy Carter, Aix-en-Provence, 1998 © Brigitte Charvolin

 

En 1992, les “garçons aveugles” sont nommé pour un Grammy pour l’album “Deep River”, produit par Booker T. Jones, et le groupe est honoré deux ans plus tard d’un prestigieux National Heritage Fellowship. Mais c’est leur signature, après deux albums sur l’éphémère label House of Blues, avec Real World Records, la maison de disques plutôt orientée “musiques du monde” fondée par Peter Gabriel, qui va leur offrir la consécration internationale dans la décennie 2000, grâce à une série d’albums brillants qui s’accompagne de différentes collaborations prestigieuses, avec notamment Solomon Burke, Robert Randolph et Ben Harper. Le groupe se produit à cette époque régulièrement en Europe, avec notamment une apparition remarquée au festival Cognac Blues Passions en 2002. 

 


Avec George Scott et Joey Williams, Cognac, 2002 © Brigitte Charvolin

 


Cognac, 2002 © Brigitte Charvolin

 

Vers 2007, Fountain se met en retraite des Blind Boys, théoriquement pour raison de santé, mais cela ne l’empêche pas de publier un nouvel album personnel, produit par Solomon Burke, “Stepping Up & Stepping Out”, sur lequel ses capacités vocales sont hélas très diminuées. Il participe également, de façon ponctuelle, à quelques enregistrements du groupe, mais était inactif depuis quelques années avant son décès. 

Frédéric Adrian

 


Vienne, 2001 © Brigitte Charvolin