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Live reports / 06.04.2018

Chroniques du Deep South (Part. 6)

Sixième et dernière partie du voyage d'André Hobus qui en octobre dernier a sillonné le sud des États-Unis.

En route vers La Nouvelle-Orléans avec un petit crochet par Houma et le dernier jour du festival gratuit organisé au centre-ville par l’enfant du pays, Tab Benoît (vo, g) : Voices of the Wetland. Foule sympathique, fritures et bières à la main : la législation sur la délivrance de boissons alcoolisées semble bien laxiste, attitude confirmée par… des policiers. J’ai même rencontré une bande debikersdéterminés à défendre leur association contre l’enfance maltraitée. Est-ce donc là la vraie “Fureur de Vivre” ?

 

 

 

 

Soir couchant et rougeoyant, lumières citadines à la Hopper et deux podiums animés. Johnny Sansone (vo, hca, acc, g) propose du vigoureux styleamericana. Chief Monk Boudreaux (vo, perc) : le plus symbolique des Africains-Américains perpétuant la tradition des Indiens du Mardi Gras en costume éclatant de mille lumières et plumes de cérémonie, percussions en avant. Pourquoi doivent-ils jouer si fort ? Mais la question ne se pose pas dans leur segment de chansons consacrées aux classiques R&B de La Nouvelle-Orléans.

 

 

 

 

Don Rich band est le régional de l’étape. Ils semblent être populaires (ils proposent une dizaine de CD différents à la vente !) mais davantage comme animateurs de bal que de vedettes à écouter. Nonc Nu & da Wild Matous, cajun zydeco jeune, nerveux et dynamique à casquette de rappeur portée à l’envers et répétitions rythmiques. 

 

 

 

Honey Island Swamp Band. Entre Canned Heat et Allman Brothers. Lumière dorée et longs solos de guitare sinueux à l’unisson avec incursions de banjo. Ils revivifient On the roadagainTab Benoit (vo, g) : une bonne heure quarante-cinq de set, parfois trop rock (trio) à mon goût mais je sens qu’il se lâche devant son public. Finale en jam avec le Chief Boudreaux, Sansone… et maman qui danse follement et tape frénétiquement du tambourin. La densité des festivaliers apporte son vibrant soutien. Leur chaleureux final concourt à la moiteur de la nuit tropicale.

 

 

 

 

 

New Orleans. Outre les incontournables (Bourbon Street., Armstrong Park et Congo Square, les marchés, un cimetière ou le piano de Fats Domino sauvé des eaux…), les ridicules (saluer les lessiveuses de la laverie ex-JM Studio/Cosimo Matassa ; le cher tombeau de Marie Laveau…), il vaut mieux humer l’atmosphère des quartiers reconstruits ou en voie de l’être, tout pimpant de couleurs vives ou encore à l’état de planches grises meurtries par l’ouragan et les eaux. Treme et le Lower 9th Ward cher à Dr. John luttent encore ou laissent de grands vides. Ici et là des murals parfois naïfs célèbrent les traditions musicales ou des personnalités locales – Deacon Jones sur une borne électrique – des sociétés de joyeux compagnons des brass bands prêts à défiler. C’est à la fois touchant, fier et cache-misère.

 

 

 

 

 

Nous arrivons à temps pour un dernier festival aux dernières heures du Crescent City BBQ, gratuit et érigé dans Lafayette Square au centre-ville. Deux podiums en alternance et quelques stands culturels en dehors des différentes et succulentes recettes de viandes rôties. Nous y avons encore vu : les Como Mamas : j’aime leur sincérité gospel. Little Freddie King (vo, g) en verve, spécialiste d’un style Chicago down home. Robert Finley (vo, g) au généreux soul blues cuivré. 

 

 

 

 

Walter “Wolfman” Washington (vo, g) qui groove mélodieusement et enfin la revue de Bobby Rush (vo, hca). À 84 ans (sic), il tient toujours la forme au sein de son orchestre et de ses deux danseuses adipeuses, bousculant les codes noirs, se jouant des clichés et imitant Elvis et Michael Jackson. Paillettes, changements de costumes pour ses go go girls et “gauloiseries” présentées dans la dérision : son show dynamique est bien rodé. Contraste : nous le rencontrerons le lendemain matin à l’aéroport, seul et courbé sous le poids d’un sac de sport bien lourd, même pour un homme de sa stature.

 

 

 

 

 

Entre Canal Street vibrant au rythme des trams, la Louisiana Music Factory, disquaire souverain et Euclid Records loin dans St-Charles Street, New Orleans offre toute sa diversité culturelle un peu bâtarde et exotique. Frenchman Street accueille désormais les brasseries musicales. Un soir, au détour d’une rue, mon compagnon de voyage est tombé sur une mini fête de la bière à la bavaroise où l’orchestre en culottes de peau pompait du Nirvana : à sa demande, le pianiste improvisa un boogie-woogie. De mon côté, j’avisai une autre taverne-resto, La Route de la Soie. Quelle ne fut pas ma surprise d’y entendre un groupe d’une douzaine d’amis violoneux réunis sur les banquettes du fond et répétant des complaintes instrumentales irlando-écossaises dont certaines avec une harpe celtique. Entre catfish, gumbo et thé vert à la menthe, New Orleans ne choisit pas : elle donne tout. À vous d’essayer.

Texte et photos : André Hobus