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Live reports / 20.03.2018

Chroniques du Deep South (Part. 3)

Troisième partie du voyage d'André Hobus qui en octobre dernier a sillonné le sud des États-Unis.

Clarksdale dort. En a-t-il jamais été autrement ? La petite ville accueille le Ground Zero, Red’s, le Riverside Motel – à ce stade, il faut citer la mort de Bessie Smith, c’était un hôpital auparavant, et le séjour d’Ike Turner (Rocket 88) –, quelques tavernes qui programment du blues épisodiquement, dont une est ornée d’un grand Robert Johnson peint mais ne propose qu’un DJ, d’autres murals et étendards attractifs à la gloire de ses bluesmen locaux (Sam Carr, bien sûr, Lucius Spiller ?!)… Mais rien n’y fait : mes photos de 1990 ressemblent à des décalques en noir et blanc de celles d’aujourd’hui. Deux exceptions : le magasin d’harmonicas de Deke Harp et le centre artistique de Roger Stolle, Cat Head Records & Shop, le véritable who’s who de Clarksdale. Et le jeune homme est chaleureux. Le Rock’n’Blues Museum n’est en réalité qu’un (très) bon disquaire tenu par un Hollandais d’origine.

 

 

 

 

 

Nous nous devons de passer au Ground Zero. Chouette : Anthony Big A Sherrod (vo, g) est à l’affiche. Si ce n’était son répertoire de reprises, il possède le dynamisme de Magic Sam, et ce soir-là son trio accueillait un chanteur(-bassiste d’appoint), aux couleurs du groupe, chaussures comprises. On passe du rouge au vert pour le deuxième set. Au Red’s, justement, même l’air semble rouge. Lucius Spiller (vo, g) anime. Comment son excellente section rythmique arrive- t-elle à coller à tous ses égarements métriques à la Bilbo Walker ?! Et les gars y prennent du plaisir ! Soul-blues total sans filet. Oui, il mérite son étendard. Les nuages volent bas, la digue joue son office, Friar’s Point est désolée. Nous sommes dans la pochette de disque.

 

 


Anthony Big A Sherrod

 


Lucius Spiller

 

 

 

 

 


Friar’s Point

 

Stovall’s Plantation honore maintenant Muddy Waters d’une plaque. Auparavant, sa cabane de naissance au toit envolé n’intéressait même pas Z.Z. Top. Le décor cotonneux est toujours présent.

Dans le North Mississippi country, l’arrêt s’appelle Holly Springs (Junior Kimbrough, R.L. Burnside). Bourgade à la place centrale bien carrée et immeubles d’un autre temps, celui de la Guerre de sécession. Une rue adjacente mène à l’invraisemblable bazar-boutique, dès le trottoir, d’Aikei Pro. Son désordre même est devenu un lieu de rassemblement vespéral pour le quartier, à mille lieues de la place tirée au cordeau. J’engage la conversation avec un conducteur arrêté : il sort une guitare acoustique de son habitacle et nous improvise un blues au soleil couchant. Merci.

 


Holly Springs

 

 

 

Water Valley. Nous ne retrouvons pas le siège du label de Fat Possum mais cette autre petite ville a gardé son cachet et célèbre son chemin de fer en peinture. Joli.

 


Water Valley

 

 

 

 

Tupelo. Qui s’y rend ? Les fans de John Lee Hooker ? Voyons : c’est le Bethléhem d’Elvis Presley. Lieux de culte ? Sa cabane de naissance au sommet d’une sorte de chemin de croix laïc, une copie de la voiture qui le transporta à Memphis, la chapelle adjacente avec un mur en verre de façon à scruter l’intérieur – mais nous savons tous qu’Elvis a quitté le building, suivant l’expression consacrée… Une statue en enfant, une plaque… Seule la quincaillerie historique où maman lui acheta une guitare plutôt qu’un fusil est vraie et vivante. Ah, le destin…

 


Tupelo

 

 

Texte et photos : André Hobus

Prochain chapitre : Oxford, Greenwood, Moorhead, Indianola…