;
Hommages / 11.10.2018

[review] Clapton, Gallagher, deux vies en blues

Deux des principaux architectes du blues-rock font l’objet de rééditions bienvenues chez Universal. 

La nouvelle compilation sur l’Anglais Eric Clapton n’est pas un best of, mais la bande originale du documentaire qui lui est consacré, Life in 12 bars. C’est pourquoi elle s’ouvre avec des titres de Big Bill Broonzy et Muddy Waters dans lesquels Clapton ne joue évidemment pas. Puisant majoritairement dans l’imposant catalogue Polydor de l’artiste, le reste du programme est de haut niveau lui aussi. Sans surprise ? Oh que si ! Les inédits sont somptueux, notamment ceux signés Derek And The Dominos et Cream. L’interprétation absolument dantesque de Spoonful en 1968 par le furieux trio s’étire sur dix-sept minutes totalement inspirées et justifie l’acquisition.

L’œuvre de l’Irlandais Rory Gallagher a fait l’objet de plusieurs rééditions depuis son décès, notamment il y a cinq ans par Sony/Legacy et Music On Vinyl. C’est aujourd’hui Universal qui reprend le flambeau, tant sur CD que sur vinyle. Les rééditions 2018 reprenant quasi à l’identique celles de 2012-2013, on se reportera aux chroniques publiées alors (SB 206, 209 et 213) pour le détail. Mais ne boudons pas cette occasion de redire combien sont essentiels ces albums publiés entre 1971 (les classiques instantanés que sont “Rory Gallagher” et “Deuce”) et 1990 (le sublime “Fresh Evidence”). Même dans ses moments les plus hard (“Calling Card”, “Photo-Finish” ou “Jinx”) le blues rock de Rory était teinté de mille nuances subtiles. Outre ses talents de guitariste, Gallagher était un immense compositeur, puisant son inspiration dans les romans policiers ou les affaires d’espionnage (Loanshark blues sur “Defender” ou Philby sur “Top Priority”) aussi bien que dans un vécu teinté de solitude et de mélancolie (A million miles away sur le splendide “Tattoo”). Et, sur scène, c’était une boule de feu à la manière d’un Freddie King ou d’un Luther Allison (“Live In Europe” et “Irish Tour ‘74” sont des canons du genre). Le Pied pour l’ensemble de ce legs magistral.

 

 

Outre l’album inédit exhumé par Sony, “Notes From San Francisco” (cf. SB 204), Universal a la bonne idée d’ajouter à cette série deux formidables disques posthumes réalisés par le frère de Rory, Donal Gallagher. “BBC sessions” (1999) offre un CD live et un CD studio de performances interprétées pour la célèbre radio anglaise. Reprises de blues ou de rhythm and blues (Muddy Waters, Junior Wells, Otis Rush, Sam & Dave…) y voisinent avec les propres compositions de l’artiste, parfois méconnues (Daughter of the everglades, de “Blueprint”). “Wheels Within Wheels” (2000), qui met l’accent sur la face acoustique de Rory, tente quant à lui d’approcher l’album qu’il souhaitait enregistrer avant son décès (une face blues, l’autre celtique). Ce disque surprenant, dans lequel l’Irlande voisine avec le Mississippi et l’Espagne, a été assemblé à partir de bandes s’étalant de 1974 à 1994 auxquelles contribuent le banjoïste Belà Fleck, le guitariste Bert Jansch ou encore le père du skiffle Lonnie Donegan. Portrait sensible d’un artiste qui manque.
Éric Doidy

• Eric Clapton
Life In 12 Bars ««««
(2 CD) UMC 673 212-9 / Universal

• Rory Gallagher ««««« (Le Pied)
16 albums Universal