;
Live reports / 28.03.2019

Childish Gambino + H.E.R.

Bercy, Paris 12e, 27 mars 2019

Surprise : malgré le multi-récompensé (quatre Grammys, quand même) et multi-parodié This is America, Bercy n’est pas tout à fait plein pour accueillir Childish Gambino, la faute peut-être à un concert décalé de plusieurs mois après une première annulation.

En première partie de luxe, H.E.R.ne dispose que d’une quarantaine de minutes pour convaincre un public encore en train de s’installer. Habituée aux prestations télévisées spectaculaires (de la cérémonie Black Girls Rock sur BET aux Grammys), elle ne peut cette fois-ci se reposer que sur sa musique. Accompagnée de quatre musiciens et de deux choristes-danseurs qui contribuent effectivement au son d’ensemble, elle confirme, malgré l’immensité d’un lieu peu propice à la subtilité et le son dégueulasse traditionnel de la salle, tout le bien que dit d’elle dès qu’il en a l’occasion notre estimé rédacteur en chef. Le répertoire emprunte largement à son unique album de 2017 ainsi qu’aux deux EP parus l’an passé sous le titre “I Used To Know Her”, avec lesquels une bonne partie du public, qui accueille avec des cris de joie l’introduction du tube Best part, est visiblement familier. Essentiellement à la guitare acoustique, H.E.R. passe ponctuellement aux claviers et aux percussions, et fait même monter la tension le temps de deux titres plus électriques, avec solos de guitare hendrixien, dont sa version théâtrale du Make it rain de Foy Vance devenue virale alors même qu’elle ne l’a pas (encore ?) enregistrée. Même si, sans doute contrainte par les impératifs horaires de la plage qui lui est dédiée, elle peine à faire ressortir une certaine émotion d’un show très bien huilé, sa prestation ne fait que renforcer la conviction d’être en présence d’une artiste majeure en devenir.

Changement de registre avec Childish Gambino. Après quelques minutes de noir et un show laser – peut-être en référence au rôle joué par Donald Glover (le vrai nom de Gambino) dans l’univers Star Wars –, le rideau tombe sur une scène vide, tandis que l’artiste fait son apparition au bout de la passerelle qui la prolonge jusqu’au milieu du public, torse nu et vêtu du même pantalon que dans la vidéo de This is America. Pendant que retentit l’enregistrement d’Atavista– un titre encore inédit –, Childish Gambino se tient immobile, avant de rompre le silence d’un « What’s up, Paris? » libérateur et d’attaquer Algorythm, autre morceau jamais publié officiellement mais que le public, en transe dès l’apparition de la star, semble bien connaître. Très charismatique, Childish Gambino joue de façon experte avec ses fans : après avoir annoncé qu’il s’agissait de la dernière tournée qu’il donnerait sous ce nom – ce dont le nombre de morceaux inédits joués ce soir permet de douter –, il demande aux spectateurs de renoncer à leur téléphone pour profiter du spectacle, consigne qui étonnamment sera largement respectée. 

Car, il faut bien le dire, c’est plus d’un grand show que d’un concert qu’il s’agit. Dans l’univers de Childish Gambino, la musique n’est finalement pas le principal, ni même le plus convaincant, à côté de trouvailles graphiques et conceptuelles originales et stimulantes. Ce soir, l’aspect musical est secondaire par rapport à l’impact visuel et au “one man show” que donne l’artiste, seul sur scène la plupart du temps – quatre danseurs le rejoignent ponctuellement. Le dispositif est d’ailleurs symbolique : alors que la scène est occupée par un imposant décor mobile, qui sert par moment d’écran – très belles projections pendant Terrified– ou de support à des jeux de lumière et de lasers très réussis, les musiciens sont confinés en contrebas, au même niveau que le public, et n’apparaissent brièvement que pendant un interlude instrumental ou lorsque le guitariste est accessoirisé le temps d’un solo qui ressemble fort à du playback. Il est d’ailleurs à noter que des bandes viennent régulièrement apporter leur soutien aux musiciens, mais aussi, il me semble, à la vedette elle-même. 

À défaut d’être passionnant musicalement (malgré les agréables résonnances soul de Feels like summer), le show n’en est pas moins prenant. Après Worldstar, Childish Gambino quitte la scène, laissant à son orchestre le soin de meubler avant de réapparaître au fond de la salle pour Stand tallet de traverser – avec une copieuse sécurité – toute la fosse… Au bout d’une petite heure vient déjà le tour du final attendu sur This is America, avant un rappel d’une quinzaine de minutes centré sur les tubes (Sober,3005Sweatpantset Redbone) qui finalement n’apporte pas grand-chose à un show peut-être un peu trop calibré pour être pleinement satisfaisant, même si, en tout juste une heure et quart, il n’y pas de place pour l’ennui. 

Texte : Frédéric Adrian
(Pas d’accréditation photo sur ce concert)

AccorHotels ArenaBercyChildish Gambinolive in Parissoul