Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Les finances de la ville s’enfoncent dans des profondeurs abyssales, avec des budgets successifs récusés par un gouverneur républicain ultra-libéral, mais Chicago maintient à flot ses diverses activités culturelles. L’affiche du festival de blues, toujours gratuit, l’annonçait riche et passionnant ; il fut grandiose et émouvant avec deux soirées ô combien mémorables : le 45e anniversaire de la marque Alligator et la clôture en hommage à Otis Rush. Si la météo si souvent capricieuse nous épargnera les orages brutaux et les sous-vêtements Damart, en revanche, les températures grimperont jusqu’à 33° C sous un soleil ardent, Grant Park offrant alors ses frondaisons rafraîchissantes. Compte rendu à force du poignet (photos et boissons) et marathonien entre les cinq scènes en présentation souvent simultanée. Sans parler des concerts pré et post festival.
Vendredi 10 juin
Peaches Staten : La pétulante petite chanteuse en vedette de Mike Wheeler conquiert toujours les festivaliers.
Maurice John Vaughn : Multi-instrumentiste (vo, kbd, g) et chanteur convaincant séduit par sa bonhommie et ses vignettes sur le quotidien. En invités, une vétéran du West Side : Sugar Babe (vo, b) et le jeune Floyd Wilson (g).
Peaches Staten © Brigitte Charvolin
Maurice John Vaughn © Brigitte Charvolin
Floyd Wilson © Brigitte Charvolin
Moreland & Arbuckle : trio choc qui arrache (g, vo, hca, dm), inspiré par la rudesse de Hound dog Taylor. Trop hard pour moi. Ça transpire, même sous les arbres.
Curtis Salgado (vo, hca) : contrairement à son dernier CD, il valorise le dépouillement artistique soul. Belle présence.
Curtis Salgado © Brigitte Charvolin
La violence du soleil sur le béton de l’allée centrale n’incite pas les curieux à écouter Bruce Iglauer et Dick Shurman devisant sur les 45 ans du label. C’est un amateur russe qui les interrogera sur Fenton Robinson, peu évoqué en général.
Grâce au sponsoring et à la collaboration artistique de l’État du Mississippi , une scène spécifique R&B est réservée à leurs artistes. Nous y avons vu : Sherman Lee Dillon (vo, hca, dobro) : blues rustique comme on en joue encore sur les porches. Pat Brown (vo) : chanteuse trop ballade soul à mon goût, avec synthé léché.
Le vétéran de Chicago, Eddie Shaw (vo, ts, hca) tient encore le groove mais son grand âge et une opération cardiaque ont un impact sur son ténor. Un accompagnateur remplit ce rôle. Toujours son fils Vaan au triple manche et en défenseur des Native Americans.
Eddie Shaw © Brigitte Charvolin
Vaan Shaw © Brigitte Charvolin
Le blues a -t-il un avenir ? La réponse est “oui” quand on voit l’énorme travail scolaire entrepris respectivement par la chanteuse Katherine Davis et Fernando Jones (vo, g), animateurs d’activités musicales diverses autour du genre. C’est assez émouvant d’entendre des dizaines d’enfants souffler dans un harmonica (dont des petites filles voilées) et chanter I’m ready de Muddy Waters.
Katherine Davis © Brigitte Charvolin
Katherine Davis et ses élèves © Brigitte Charvolin
Fernando Jones © Brigitte Charvolin
Fruteland Jackson (vo, g, perc) : Il m’a épaté. De bluesman acoustique solitaire traditionnel, il a évolué vers plus d'americana, de folk et de work songs, avec batteur et violoniste. Très sympa.
Omar Coleman (vo, hca) : Sonorités SB Williamson II-Junior Wells, privilégiant des rythmes funky. Le guitariste Peter Galanis reste sobre.
Fruteland Jackson et Inna Melkinov © Brigitte Charvolin
Fruteland Jackson © Brigitte Charvolin
Legends of Blues : Trio composé de Sam Lay (vo, dm) qui semble abandonner son rôle de guitariste-conteur en retrouvant la batterie mais le drive n’y est plus. Corky Siegel (vo, hca, p) reste très performant mais Marcella Detroit (ex-Marcia Levy, vo, hca), jolie voix époque Layla d’Eric Clapton, ne m’accroche pas.
Tommy Castro & The Painkillers : C’est le guerrier de la route, bottes usées, jeans, T-shirt et cheveux gras. Ça déménage, parfois au volume. Invité : l’étoile montante de Chicago, Toronzo Cannon (vo, g). Le 45e anniversaire d’Alligator commence fort, dans tous les sens du terme. Leurs duos de guitares sont excitants.
Sam Lay © André Hobus
Tommy Castro © Brigitte Charvolin
Tommy Castro, Toronzo Cannon, Randy McDonald © Brigitte Charvolin
Randy McDonald, Toronzo Cannon © Brigitte Charvolin
Randy McDonald, Toronzo Cannon © Brigitte Charvolin
Lil’ Ed & The Blues Imperials : C’est du rodé slide sur pointes de baskets rouges et fez scintillant. Là, c’est Corky Siegel (hca) qui vient swinguer avec eux. Et ça sautille de partout.
Lil' Ed, Corky Siegel © Brigitte Charvolin
Lil' Ed © Brigitte Charvolin
Shemekia Copeland (vo). Classieuse et puissante. Invité Alligator : Curtis Salgado (vo). Mamours et œillades complices. Ah, s’ils pouvaient enregistrer ensemble ! La chanteuse appelle alors Bruce Iglauer pour un hommage appuyé, ayant été le premier à croire en elle après avoir enregistré son père. Touchant.
Shemekia Copeland © Brigitte Charvolin
Shemekia Copeland, Curtis Salgado © André Hobus
Bruce Iglauer, Shemekia Copeland © André Hobus
Samedi 11 juin
Norma Jean Wallace (ex-Bruso) : Elle qui fut lancée mince et dynamique par Jimmy Dawkins revient en force et en rondeurs. Mike Wheeler (g) est aux commandes du groupe.
Nora Jean Wallace © Brigitte Charvolin
Eddie Cotton Jr. (vo, g) : Encore un grand oublié de nos scènes. Soul blues à la Little Milton, groupe très Jackson, Ms. C’est steak, patates, okra et gravy. Ambiance dynamique d’église et harmoniciste baveux. Longs solos de guitare qui élèvent l’âme.
Eddie Cotton Jr. © Brigitte Charvolin
Eddie Cotton Jr. et Southern Komfort Brass Band © Brigitte Charvolin
West Side Andy (vo, hca) : Absence de Barrelhouse Chuck (p), fort malade. Son harmoniciste est donc mis en valeur : Chicago blues traditionnel et solide. Billy Flynn (g) est sur tous les fronts.
Lazy Lester (vo, hca, g) : Casquette “50 ans de Sugar coated love” et son éternel sourire bonhomme, gouaille, accent traînant et harmonica country blues, il enchaînera tous ses hits avec facilité. Rockin’ Johnny et Little Frank (g) sont rompus à l’a peu près des tempos et le set sera intemporel.
West Side Andy © Brigitte Charvolin
Billy Flynn © Brigitte Charvolin
Lazey Lester © Brigitte Charvolin
Rockin' Johnny © Brigitte Charvolin
Chicago Blues Kings : Trop rock pour moi (surtout le guitariste, bruyant). Mais le plaisir vient de voir Gene Barge (vo, ts) en forme.
Wee Willie Walker (vo) : Bonne vieille soul cuivrée d’un revenant. L’église, ça aide !
Chicago Blues Kings, avec Gene Barge au centre © Brigitte Charvolin
Gene Barge © André Hobus
Wee Willie Walker © André Hobus
Irma Thomas (vo) : Le public ne se lasse pas d’entendre (et réclame) ses classiques de R&B sixties de La Nouvelle-Orléans. Plein d’entrain, tout l’orchestre les sert avec convivialité. Iko Iko est toujours aussi frais. Agitez les mouchoirs blancs !
Irma Thomas © Brigitte Charvolin
© Brigitte Charvolin
En compagnie du producteur Dick Shurman, nous passons Fred Wesley & The New JB’s pour trouver une table encore libre au Legend’s. Peine perdue. En attendant, Smiley Tilmon (vo, g) descend de scène (Kate Moss, b) et nous régale d’anecdotes ; Joe Moss (vo, g) monte. En trio, le frère de Nick canonne mais juste. Sorte d’Albert King en plus rock. La section rythmique soutient sans faille. Quelle dynamique !
La table est prête. 23 h 15 : enfin, celui que nous attendions, Chris Cain (vo, g), rarement en déplacement en club hors Californie. Après avoir embrassé sa guitare et chacun des membres de son groupe – pas des musiciens occasionnels – il s’embarque dans un set d’une heure trente, mélange de B.B. King-Robben Ford-Elvin Bishop dans des blues lumineux, chantés à la nuance près. C’est magique ! On en redemande. Effectivement, ce n’était là que son premier set. C’est (ce qui nous reste de) notre force physique qui veut rentrer.
André Hobus
Chris Cain © André Hobus
À suivre : la journée du dimanche 12 juin.