;
Live reports / 17.08.2022

Chicago Blues Festival 2022, côté clubs

La situation économique et sanitaire a opéré des coupes sombres dans la programmation des clubs de la Windy City : le Kingston Mines n’ouvre plus que le week-end et le B.L.U.E.S est définitivement fermé et à vendre, c’est son emplacement qui vaut cher, pas sa notoriété. Même le Legend’s semble fonctionner en mode “passe-partout”. Et dans les quartiers afro-américains ? C’est le connaisseur-producteur Dick Shurman qui résume le mieux la situation : « Soit les clubs ont fait place à des églises (et de me citer les noms), soit ils ont été rasés. Le plus “rude” d’entre eux est même devenu un bureau local du FBI. » Sélection.

Space

Le lundi ne fait pas recette. Co-fondé par le guitariste-instrumentiste Dave Specter, qui y fera une apparition, il programme Kirk Fletcher accompagné par le Nick Moss band. Association swing inventive et riche. Et Moss de se lancer dans des impros que n’auraient pas désavouées Danny Gatton. Fletcher, lui, a développé des vocaux chauds et intimistes. Billy Flynn se lancera même dans un duckwalk à la Chuck Berry qui en étonnera plus d’un. Belle soirée.

Kirk Fletcher
Nick Moss
Dick Shurman

Fitzgerald’s (Berwyn)

Les nouveaux propriétaires constituent une vraie filiation avec les anciens. Ce mardi 7 juin, Tom Marker, DJ chez WXRT Chicago, lance son émission en direct depuis le patio (complet) du club, avec Billy Branch & The Sons of Blues. Et c’est gratuit ! Impeccable et classieux devant un public bobo. Mise en valeur de sa participation “Chicago Plays The Stones”. Ronnie Baker Brooks en invité talentueux.

Billy Branch & The Sons of the Blues
Ronnie Baker Brooks, Billy Branch

Rosa’s Lounge

Le mercredi soir, c’est Ivy Ford. Superbe section rythmique de vieux briscards. Son premier set va durer… 1 h 50 non-stop (!) devant 15 personnes, dont notre “party” de 4. Pas une seule minute d’ennui ou de redites ! Répertoire chaleureux et bien chanté entre R&B rétro, Magic Sam et Bo Diddley. Quand nous la quittons, il reste trois personnes pour le 2e set.

Nous y retournons le vendredi pour Thornetta Davis. Cette fois, le club est complet. La petite scène est encombrée par ses huit musiciens et choristes. Premier set classieux à 22 h, diffusé en direct sur YouTube. L’ambiance est chaude, le public réceptif. Elle ne copie personne – çà fait plaisir à entendre – et nous pouvons savourer des classiques revivifiés (Drinkin’muddy waters, par exemple).

Ivy Ford
Ivy Ford
Thornetta Davis
Rosa’s Lounge : le futur sénateur de l’Illinois, Barak Obama, y menait sa campagne électorale

Reggie’s

Le club punk rock programme toujours une à deux soirées durant le festival. Le jeudi, spécial harmonica : Martin Lang, le plus traditionaliste. Omar Coleman, tendance Sonny Boy 2 et Rob Stone, le plus fluide et swing. Il aura mes faveurs à l’applaudimètre. À l’accompagnement, des spécialistes : Willie Hayes (dm), Mike Scharf (basse, ex-Arthur Duncan), Lee Kanehira (p) et enfin, un jeune guitariste trop propre mais efficace : Andrew Diehl.

Nous y retournons le dimanche soir dans la petite salle du 1er étage, appelée Comedy Club, où sous d’intenses projecteurs bleus et rouges les “suspects habituels” revisitent avec bonheur le Chicago blues intemporel : Billy Flynn, Bob Stroger, Roosevelt Purifoy et Kenny Smith. Visite inattendue mais toujours gratifiante de Johnny Burgin.

Willie Buck, Martin Lang
Omar Coleman
Roosevelt Purifoy, Billy Flynn
Willie Buck, Bob Stroger, Johnny Burgin
Willie Buck, Bob Stroger, Johnny Burgin
Oscar Wilson, Rob Stone

Kingston Mines

Les deux salles sont bondées à un point qu’il est difficile de se mouvoir. Nous arrivons pour le set de Carl Weathersby à la santé plus que dégradée par le diabète : assis, amaigri, prothèse et traitement médical visible, mais la voix reste intimiste et dans les (trop nombreuses) ballades, des couples dansent malgré la foule. En solos efficaces, un revenant : le guitariste Corey Dennison, amaigri lui aussi, lunettes et longue barbe blanche, style pionnier, aux petits soins pour le bluesman qu’il considère comme son père adoptif. C’est touchant.

Carl Weathersby
Corey Dennison

Le Rosa’s Lounge au festival

Son patron, Tony Mangiullo, s’est concocté une sorte de mini-festival qui sert de vitrine à son club. Comme il officie aussi à Milwaukee, il nous présente des bluesmen inédits.

Mighty Miss Erica (vo). A tout de l’entertainer qui prend le pas sur la chanteuse.

Big Al Dorn (vo, hca, g) & The Blues Howlers. Accompagnateurs interchangeables de leurs confrères du Wisconsin, le Rev. Raven et Jim Liban, le groupe swingue ici derrière leur co-leader: Benny Rickun (vo, hua, g) . Bar band de littlewalteriens pur sucre.

Charlie Love (vo, g, hca). Vétéran Chicago blues qui balance bien. L’occasion d’apprécier le gros son de son harmoniciste attitré, Jeff Stone.

Ivy Ford (vo, g). Elle est partout ! Résidente le mercredi au club, elle fait partie ici du showcase. Toujours aussi pétulante !

Shoji Naito (vo, hca). Cet ancien membre de l’orchestre d’Eddy Clearwater tente de s’imposer. Bien sûr, Willie Buck (vo) fait une apparition.

Win Noll (vo). Pourquoi tenter de transformer cette chanteuse plastifiée et sans répertoire en vedette ?

Melody Angel (vo, g). Même approche mitigée entre blues sincère aux paroles militantes et dérives à la Prince.

“Bear” Williams (vo, b). J’aime son genre bourru même si son Chicago blues n’a rien d’original. Bon groupe.

Big Mike & The R&B Kings. Cuivrés, ils déménagent “à l’ancienne”. Peter Galanis (g), autre “régulier” du club, ajoute une touche Chicago classique à la Tom Holland. D’autres groupes, par trop rock, n’ont pas attiré mon attention.

Texte et photos : André Hobus
Photo d’ouverture : Kirk Fletcher