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Live reports / 06.09.2018

ChICAGO BLUES FESTIVAL 2018 (Part. 2)

Christone “Kingfish” Ingram (vo, g). C’est au travers du blues mississippien et d’Albert King qu’il transcende son handicap. Spectateurs attentifs : sa maman… et Bruce Iglauer.

Joe Louis Walker (vo, g). Un set à 16 heures sur la scène secondaire du “Crossroads” ne constitue pas une marque de vedettariat, mais il reste depuis des années un des meilleurs chanteurs de blues, au bottleneck chaud comme sa voix gospélisante.

 


Christone “Kingfish” Ingram © André Hobus

 


Joe Louis Walker © Brigitte Charvolin

 

Nellie “Tiger” Travis (vo). À Chicago du moins, la chanteuse ne parvient pas à opter pour un style ni un sound blues défini, naviguant entre “Mr. Sexy Man” et son hommage cliché à Koko Taylor.

Erwin Helfer (p). À 82 ans, il est le dernier des pianistes barrelhouse jazzy et semble un peu perdu. De plus, se produire à 11 heures du matin sous une météo menaçante ne favorise pas la concentration du maigre public.

 


Nellie “Tiger” Travis © Brigitte Charvolin

 


Erwin Helfer © Brigitte Charvolin

 

The Cash Box Kings. Toujours 100 % Chicago (Joe Nosek, vo, hca) et leur invité permanent, Oscar Mr. 43Street” Wilson (vo), qui vient leur apporter sa touche Muddy Waters.

Studebaker John (vo, hca, g). Sa recréation en trio du rude style de Maxwell Street (avec Rick Kreher à la guitare et Steve Cushing à la batterie) est excitante, mais la pluie battante et froide me fait reculer.

Melody Angel (vo, g). En trio. Une fois de plus, je suis déçu par ses trop longs solos hendrixiens et la lourdeur rock de sa section rythmique. Même si ses textes sociaux relèvent du militantisme, ils font figure de manifestes déclamatoires.

 


Joe Nosek, Billy Flynn © André Hobus

 


Melody Angel © Brigitte Charvolin

 

Fantastic Negrito (vo, ac g). Musique multiculturelle, paroles engagées et présence scénique bondissante ne m’ont pas touché alors que ses albums cartonnent.

Kenny Neal (vo, g, hca). Les reprises, la majorité de son répertoire, sont toujours vivifiantes, chantées avec passion et son alternance guitare-lap steel-harmonica un plaisir culturel, tendance Baton Rouge.

 


Fantastic Negrito © Brigitte Charvolin

 


Kenny Neal © Brigitte Charvolin

 

Mavis Staples (vo). Le brouillard réfrigérant tombe sur les milliers de spectateurs emmitouflés dans leur polaire à capuche. Certains n’y survivront pas mais l’icône des droits civiques leur tient chaud au cœur. À Chicago, Mavis Staples est chez elle et ça se voit, ça se sent à son mélange de bonhomie et d’autorité, répondant en direct au public qui demande de ses nouvelles. 

 


Mavis Staples © Brigitte Charvolin

 

Avec ses fidèles accompagnateurs, dont un Rick Holmstrom (g), épuré et essentiel, elle revisite son répertoire contemporain et historique, sans la modernisation sonore de son dernier album qui, à mon avis, datera tôt ou tard. Au final, elle recevra des mains de Barbara Newman, la présidente de la Blues Foundation, le prix 2018 destiné à feu son père, Roebuck “Pops” Staples, elle-même en étant la magnifique récipiendaire en 2017.

 


Mavis Staples, Jeff Turmes © Brigitte Charvolin

 


Donny Gerrard, Mavis Staples, Rick Holmstrom © Brigitte Charvolin

 


Barbara Newman, Mavis Staples, Tom Marker © Brigitte Charvolin

 

Et le parc de se vider en bon ordre, comme chaque soir, avec un respect citoyen de savoir-vivre ensemble. La ville continue de promouvoir à grande échelle sa culture musicale collective, malgré son déficit budgétaire impayable. Tant qu’il existera des Mavis Staples pour éveiller nos consciences…

Je n’ose pas vous égrener la liste des artistes que je n’ai pas vus.

 

Dans les clubs et le monde du blues de Chicago

Où on retrouve les suspects habituels. Lil’l Ed & The Blues Imperials (vo, g) sont une valeur sûre. Dans un club étroit comme le B.L.U.E.S, ils font toujours recette.

Mike Ledbetter (vo, g) au Kingston Mines. Il poursuit son chemin personnel grâce à sa technique vocale unique et un jeu proche d’Otis Rush. Accompagnateurs impeccables mais un cran en dessous de Monster Mike Welch.

 


Lil' Ed, Kelly Littleton © Liliane Hobus

 


Mike Ledbetter © Liliane Hobus

 

Rockin’ Johnny (vo, g). L’exilé californien est le plus “old school” des contemporains. Un régal au Nick’s Beer Garden.

Deux soirées sympas au Smokedaddy’s. Bailey Dee (vo, g) propose avec aplomb un répertoire éclectique R&B ‘50s-doo wop-rockabilly. Quant à Billy Flynn (vo, g) et ses complices, ils se sont tellement pris au jeu qu’au deuxième set, Flynn jouait à genoux ! Visite instrumentale de Dave Waldman et Martin Lang (hca). Willie Buck (vo) quitte le comptoir pour quelques Chicago blues classiques. Absence notoire : Tail Dragger. Sans doute ne suis-je pas resté assez tard.

 


Rockin’ Johnny © André Hobus

 


Bailey Dee © Liliane Hobus

 


Martin Lang, Wille Buck, Billy Flynn
© André Hobus

 

Corey Dennison band (vo, g). Proposé par le Legends en fin d’après-midi sur la scène ouverte du Navy Pier, cette force de la nature m’impressionne à chaque prestation et j’en redemande. Deux sets gratuits face au vent du lac et gratte-ciels illuminés. Le feu d’artifice qui clôture la soirée n’en est que le prolongement, malgré le froid pénétrant.

 


Corey Dennison © Liliane Hobus

 

Tribute to Delmark Records au S.P.A.C.E. Alors qu’il est présent avec sa femme Sue, Bob Koester refuse les honneurs, même les plus simples. C’est l’œuvre de la culture jazz-blues qui constitueront son héritage. Bob Riesman (auteur d’une biographie primée de Big Bill Broonzy) se chargera du speech. Une anecdote citée par Ken Saydak (p, vo) en dira long : « Après une prise qui ne me satisfaisait pas, j’ai demandé à Bob de la recommencer. Il me répondit : comme chanteur, tu n’es pas Pavarotti et si je voulais un disque parfait, j’irais à Los Angeles. Pour moi, c’est bon ! » Se sont succédé sur la scène de ce club distingué d’Evanston : Dave Specter (g), impeccable comme toujours ; Steve Freund (vo, g), de retour de Californie, par trop négligé des amateurs et membre de la fine équipe du Rockwell Avenue Blues Band, avec Tad Robinson (vo, hca), chanteur-harmoniciste soul blues de qualité. Jimmy Johnson (vo, g) imperturbable et intemporel et Omar Coleman (vo, hca) que je trouve attachant mais surestimé. Merci Bob. Pourra-t-on en dire autant des nouveaux propriétaires du label, voulant assurer la continuité ?

 


Tad Robinson © André Hobus

 


Ken Saydak © André Hobus

 


Jimmy Johnson, Corey Dennison © Liliane Hobus

 

House of Blues. La salle kitchissime et sympathique en faux New Orleans accueille le dynamique Rob Stone (hca, vo), ici en version large avec sax ténor (le super vétéran Rodney Brown) et une section rythmique de chefs : l’incomparable Willie “The Touch” Hayes à la batterie et Brad Hymans (contrebasse). Aryo assure aux claviers. Seul le guitariste reste moyen. Bienvenue aux classiques de Jimmy Rogers, Little Walter, James Cotton… revivifiés et emballants. Ils joueront trois longs sets !

 


Rob Stone, Rodney Brown © Liliane Hobus

 


Willie Hayes © André Hobus

 

La nouvelle tomba brutalement : Eddy Clearwater décédait au cours d’une opération ; le cœur lâcha. Figure toujours positive, il avait imposé une personnalité – The Chief et sa coiffe à plumes – et un style entre rock ‘n’ roll à la Chuck Berry avec une empreinte plus West Side. Sa veuve, de confession juive, se tourna vers Bruce Iglauer pour des funérailles strictement réservées à la famille et comme ordonnateur-orateur de la cérémonie. Cependant, un hommage public restreint lui fut rendu au sein de l’entreprise de pompes funèbres située à Skokie, banlieue nord-ouest de Chicago. Office et mémorial bilingue, cercueil fermé. Pas de visitation comme pour Koko Taylor ; recueillement et dignité dominent. Quelques visages connus de la scène blues partagent l’émotion ressentie : Michael Frank, Dick Shurman, Lurrie Bell, Lynn Orman…. Dans un coin, son groupe joue en mineur ce Chicago blues qu’il interprétait de par le monde. Ronnie Baker Brooks nous rappela sa filiation parentale et générationnelle avec sa version de I came up the hard way tandis que Billy Branch clôturait la cérémonie par un émouvant Amazing graceen solo.

 

 

 

Au formidable Musée d’histoire de Chicago, tant pour ses thématique variées que leur présentation pédagogique et interactive, une exposition temporaire a attiré notre attention : “Amplified Chicago Blues” ou comment l’amplification électrique d’après-guerre a développé et modernisé le genre avec, en illustrations, des photos emblématiques de Raeburn Flerlage, des cartes des clubs et labels, un studio d’enregistrement reconstitué où tout un chacun peut réaliser son blues, créer une pochette de disque, un karaoké qui passionne les enfants chantant Sweet home Chicago… Créatif, instructif et fun.

Dans les salles voisines, une réalité historique plus intense les attend aussi : le parcours houleux du Dr. Martin Luther King Jr, les émeutes de la Convention démocrate, l’action d’Abraham Lincoln, les suffragettes, Chicago, carrefour de l’Amérique, avec ses contradictions et espérances… Eddy “The Chief” Clearwater, aux origines amérindiennes, appartient maintenant aux deux sections.

André Hobus