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Live reports / 29.11.2012

CHICAGO BLUES FESTIVAL 2012

La tournée du Chicago Blues Festival passait cette année par l’Isère, ce qui est peu courant, et les amateurs régionaux se réjouissaient donc tout en espérant que ça devienne une habitude lors des prochaines éditions… Comme toujours, la formule favorise la mise en lumière de plusieurs artistes dont certains sont souvent davantage des accompagnateurs que des leaders. En ouverture, l’instrumental Back at the chicken shack permet de constater que le groupe semble d’emblée bien en place et compact, une sensation qui se confirmera au fil de la soirée. Le premier à s’avancer est Billy Flynn, brillant guitariste notamment à la slide sur Tears on my pillow mais vocaliste limité et toujours un peu en retrait sur scène.

 


John Primer

 

En revanche, aucune retenue chez un John Primer qui a décidé de prendre les choses à son compte et de le faire savoir (hélas, le public de la salle reste quelque peu engourdi…), assénant des lectures percutantes de titres sur lesquels il sort le « gros son » à la guitare, surtout à la slide (Call me John Primer) mais pas seulement (Hey bartender). L’impression est toutefois trompeuse et Primer se fond ensuite dans l’ensemble quand Peaches Staten se présente. Elle s’avère être une chanteuse intéressante avec une voix héritée de Koko Taylor dont elle n’a cependant pas le coffre. Dès lors, sans les artifices dont usent et abusent parfois ses paires, elle séduit avec une certaine malice et démontre un registre assez étendu, qu'il s'agisse du groovy So long baby bye bye, d'un Clean up woman soulful ou du plus classique Hoochie coochie woman.

 


Melvin Smith

 

Pour sa part, l'harmoniciste protée Bob Corritore trouve aisément sa place dans la formation, ses interventions bien placées et nuancées prouvent combien cet instrumentiste talentueux sait s'adapter à toutes les situations. Enfin, la rythmique ne donne évidemment aucun signe de faiblesse, assurée par le bassiste très convaincant Melvin Smith et le formidable batteur Willie Hayes, sur lequel nous reviendrons. Comme il n’y a pas de première partie, deux sets sont au programme. Le second débute à nouveau par un instrumental (Juke) avec un Corritore à son avantage, et qui sera même impressionnant de maîtrise et de complicité avec Peaches Staten un peu plus tard (Down home blues). Avant cela, Hayes avait prouvé qu’il sait aussi chanter (Baby what you want me to do), Primer étant toujours aussi énorme à la slide (I can’t hold out, I called my baby). Mais surtout, le concert a changé de tournure, ce second acte est plus débridé, les musiciens se lâchent, s'amusent et prennent un plaisir sincère, notamment sur cette très longue lecture de Chain of fools qui conduit Peaches Staten au cœur d’une foule qui consent enfin à communier (un peu) avec les artistes. Certes, le final avec I got my mojo working (et Peaches Staten au frottoir, comme elle le dit elle-même…) était attendu, mais tout s’achève dans une belle ambiance.

 


Peaches Staten

 

Pour ce bon cru de la tournée du CBF, on retiendra un groupe solide et particulièrement homogène où le trio composé de Peaches Staten, John Primer et Bob Corritore a tenu un rôle central, les deux premiers cités assurant l’animation. Mais le meilleur musicien œuvrait sans doute derrière les fûts en la personne de monsieur Willie Hayes, et ça valait la peine de venir rien que pour lui. Toujours placé, toujours juste, toujours à l’écoute des autres, ce maître absolu de la tension-détente nous a une fois de plus régalés. Méritant plus que jamais son surnom : « The Touch ».

 

Texte Daniel Léon

Photos © Denis Claraz

 


Peaches Staten devant John Primer et Bob Corritore