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Hommages / 24.08.2021

Charlie Watts (1941-2021)

Pendant près de six décennies, Charlie Watts a été le titulaire du siège le plus prestigieux du rock ’n’ roll : celui de batteur des Rolling Stones. Sa disparition met un terme à une aventure née dans les clubs mal famés de Londres et qui a fini par révolutionner la musique populaire du XXe siècle en y imposant l’influence des musiques afro-américaines.

Originaire de Londres, Charles Robert Watts se passionne pour le jazz dès son enfance et commence la batterie à peine adolescent, participant pendant ses études à différents groupes locaux. C’est cependant sur la scène blues naissante qu’il se fait remarquer à partir du début des années 1960, intégrant en particulier Blues By Six, le groupe du guitariste Brian Knight, puis l’ensemble dirigé par les pionniers Alexis Korner et Cyril Davies, Blues Incorporated. Au sein du groupe et à l’occasion des concerts de celui-ci, il croise la route d’autres passionnés qui découvrent alors le blues et s’efforcent d’émuler plus ou moins adroitement leurs idoles : Jack Bruce, Long John Baldry, Mick Jagger, Keith Richards, Brian Jones, Eric Clapton, Rod Stewart, Paul Jones, John Mayall, Zoot Money, Jimmy Page…

Début 1963, Charlie Watts accepte de rejoindre l’orchestre monté par certains de ces habitués des soirées blues : les Rolling Stones. S’il n’a jamais caché son ambivalence par rapport à la musique du groupe qui l’a rendu riche et célèbre, son jeu de batterie économe et expressif est une composante majeure du son du groupe, tandis que son élégance vestimentaire et sa réserve très britannique contribuent grandement à l’image de celui-ci. À titre personnel, je n’oublierai pas le sourire qui était apparu sur son visage alors que Ron Wood et Keith Richards croisaient le fer devant sa batterie sur un Midnight rambler d’anthologie et la connivence soudaine entre les trois musiciens lors du concert des Stones à la U Arena le 19 octobre 2017… 

Il n’est évidemment pas nécessaire de revenir ici sur l’ensemble du parcours des Rolling Stones, avec ses grandes heures et ses choix artistiques parfois discutables. Constante de l’histoire du groupe, la batterie de Charlie Watts n’a que rarement été se faire entendre ailleurs, et bien souvent en lien avec son attachement avec la scène jazz et R&B de sa jeunesse : il participe ainsi aux “London Sessions” d’Howlin’ Wolf, à des disques d’Alexis Korner, de Brian Knight et des vétérans du Blues Band ainsi qu’aux projets “rétro” Rocket 88 (avec Alexis Korner, Jack Bruce et le pianiste (et sixième Stones historique) Ian Stewart) et Willie And The Poor Boys (emmené par son partenaire habituel Bill Wyman).

Engagée tardivement, à partir des années 1990, sa carrière personnelle s’est essentiellement déroulée dans un contexte jazz, mais il s’était offert dans les années 2010 une récréation dans un registre boogie avec “The ABC & D Of Boogie Woogie”, un quartet all stars avec son ami d’enfance, le bassiste Dave Green, et les pianistes Axel Zwingenberger et  Ben Waters, qui enregistre son seul album, “Live In Paris” au Duc des Lombards. Le dernier disque paru sous son nom, “Charlie Watts Meets The Danish Radio Big Band”, le voyait notamment revisiter plusieurs classiques de son groupe habituel dans un registre big band jazz aussi inattendu que réjouissant.

Si la décence était de mise dans l’industrie musicale, le décès de Charlie Watts verrait la fin définitive des Rolling Stones. Les choses étant ce qu’elles sont, la tournée prévue pour la fin de l’année – et pour laquelle son absence avait été annoncée, ainsi que sa suppléance par Steve Jordan – aura sans doute lieu. Il est néanmoins certain que la scène paraîtra bien vide sans sa présence : ce n’est pas par hasard qu’il était, chaque soir, le membre du groupe le plus longuement ovationné lors de la présentation des musiciens… 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

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