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Live reports / 04.04.2016

Charles Bradley & his Extraordinaires

Après la Maroquinerie, la Cigale et le Trianon, c'est maintenant l'Olympia (orchestre debout, balcon assis) qui accueille Charles Bradley à Paris. Preuve d'une popularité toujours croissante. Mais avant de l'entendre, il faut patienter près d'une heure et demie avec non pas une, mais deux premières parties (sic). Passe encore pour un chanteur québécois qui mêle ses compos sympas à des reprises éclectiques (La vie en rose, Fa fa fa fa fa…) – le genre qu'on apprécie dans une rame de métro. En revanche, ça coince avec un sautillant bidouilleur électro aux antipodes de la musique qu'on est censés être venu écouter.

 

 

 

Le prologue orchestral des Extraordinaires est court et effréné avant l'introduction dithyrambique, verre en main, de l'organiste Michael Deller. Ses disques le démontrent, Charles Bradley ne fait jamais dans la demi-mesure, mais plutôt dans la démesure. Il ignore le second degré pour se donner corps et âme à sa musique et son public (qui le lui rend bien). Un tel degré d'engagement sur une aussi longue période fait se poser la question de la sincérité ou du cabotinage. Il y a sûrement des deux, mais qu'importe en vérité. On ne demande qu'à marcher dans cette outrance, ce déchirement qu'il sait si bien évoquer dans des ballades désespérées. Et c'est avec un sourire entendu qu'on le voit quitter la scène au bout d'une demi-heure, laissant l'orchestre meubler avec panache, pour revenir dix minutes plus tard dans une nouvelle tenue, avec un "haut" très échancré en dentelle noire du plus bel effet !

 

 

 

Le répertoire puise dans le nouvel album (You think I don't know, Changes…) comme dans ses “classiques” (Lovin' you baby, Why is it so hard…). Seule reprise, le It's a man's man's man's world de James Brown, son mentor. Son jeu de scène s'en réclame jusque dans les jongleries avec le micro au pied lesté. Mais c'est le James Brown des ballades exacerbées style Bewildered ou Try me qui l'inspire, beaucoup plus que celui des brûlots funk. Il faut voir Bradley tombant à genoux, portant le micro sur ses épaules comme le Christ sa croix ! Dominé par l'orgue (un peu obstructif à la longue), la batterie galvanisante de Caito Sanchez et des cuivres (William Aukstik, trompette ; Freddy Deboe, sax) toujours prêts à en découdre, l'orchestre ne s'autorise aucune baisse de régime. C'est dense, touffu, et tant pis si on apprécierait un moment de relâchement. Et quand c'est fini, ça repart pour un rappel avec distribution de roses rouges à quelques privilégiées émues.

Jacques Périn
Photos © Fouadoulicious