Dominique Fils-Aimé, Café de la Danse, Paris
07.12.2023
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Il y avait encore foule pour le dernier concert de la saison à Tremblay. Il faut dire que, cette fois encore, l'affiche avait de quoi séduire un public en quête de qualité et d'authenticité.
Les Bad Mules, même si ils (ou elles ?) ont une belle carrière derrière eux (allons-y pour le masculin !), ne sont pas des habitués des scènes franciliennes (qui en compte peu, il est vrai). Bref, on était bien content de pouvoir entendre en direct le groupe nantais dont Christophe Mourot nous vante régulièrement les albums dans son ''Blue Planet''. Dès le lever de rideau (oui, à Tremblay, il y a un rideau !), la présentation surprend : les musiciens sont alignés tous sur le même plan. De gauche à droite : Julien Broissand à la guitare et au chant, Philippe Gautier à l'orgue Hammond, Freddy Pohardy Riteau aux saxophones et Denis Agenet à la batterie et au chant.
Denis Agenet, batteur-chanteur des Bad Mules
Un batteur-chanteur, c'est rare et mérite donc d'être relevé, d'autant que si Denis se montre bon vocaliste, ce n'est pas au détriment de son drumming, tout en finesse et efficacité. Les Bad Mules privilégient un style ancré dans les jump blues et le R&B des fifties, avec des références explicites (Jimmy Liggins, Bullmoose Jackson, un zeste de New Orleans et même Fats Waller) qui se retrouvent aussi dans leurs compos originales (Dirty Knave, Blues for Sacha, The reefer man, etc.) ; ils ne sont pas pour autant captifs d'une époque et savent se faire funky en reprenant, par exemple, Willie Walker. De telles références imposent une maîtrise orchestrale et instrumentale qu'ils possèdent. Le groupe fait corps, cimenté par l'orgue et la batterie, et les solos sont souvent enthousiasmants.
Bad Mules : Julien Broissand (g), Philippe Gauthier (org) et Freddy Pohardy Riteau (ts)
À la guitare, Julien Broissand fait preuve de fluidité et de feeling. Aux saxes, ténor et baryton, Freddy Pohardy Riteau possède une belle sonorité charnue au swing contagieux. Autant dire qu'une heure en leur compagnie passe trop vite.
La franchise et le positivisme ne sont pas les moindres des qualités de Candye Kane. Elle chante (et fort bien) et sait s'entourer (on le sait depuis longtemps), elle établit aussi une relation très particulière avec le public, auquel elle s'adresse comme elle le ferait à un ami proche. On a l'impression d'être dans son intimité lorsqu'elle évoque son cancer du pancréas et sa récidive, sans avoir l'idée d'un exhibitionniste de mauvais goût. Cela a sûrement pour elle l'effet d'une catharsis, mais nous fait aussi entrer en empathie, tant son message est porteur d'espoir et d'optimisme.
Fred Rauffmann (dm), Laura Chavez, Candye Kane, Kennan Shaw (b)
Elle dit se réjouir de savoir qu'elle peut vivre quinze ans avec son cancer. Et on le croit bien volontiers, tant elle en semble convaincue. Très amaigrie, elle ne joue plus de ses charmes comme auparavant, tout en offrant un show haut en couleurs. Le répertoire est essentiellement tiré des albums ''Superhero" et "Sister Vagabond", avec en point d'orgue une longue et admirable version de I'm a bad, bad girl. Son tout nouvel album, "Coming Out Swingin'", souvent évoqué, ne sera pourtant visité qu'en rappel avec un Au revoir y'all de circonstance.
La voix conserve la même fraîcheur et la même aisance qu'auparavant et Candye sollicite souvent Laura Chavez, co-auteure de la plupart des titres et guitariste à l'autorité étonnante, au son précis et coupant, capable des longs solos solidement construits. Même si l'ajout d'un clavier (par exemple, celui de Sue Palmer, de retour sur le nouvel album) aurait été appréciable, Laura Chavez a suffisamment d'inspiration pour ne pas se répéter et faire oublier une économie de moyens sans doute plus subie que voulue.
Laura Chavez et Candy Kane
À la satisfaction d'avoir assisté à un excellent concert, s'ajoutait celle de savoir que la scène Jean-Roger Caussimon de Tremblay nous promet une nouvelle saison blues 2013-2014.
Texte Jacques Périn
Photos © Miss Béa