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Chroniques / 14.01.2022

Buffalo Nichols, Buffalo Nichols

Carl “Buffalo” Nichols ambitionne de faire redécouvrir le blues à la communauté afro-américaine. De le ramener dans les mémoires, et surtout de faire de cette musique désormais centenaire, celle du XXIe siècle. Le challenge est de taille. Natif de Houston, Texas, adolescent à Milwaukee, Wisconsin, curieux du monde, Carl a ensuite tracé sa route en Europe et en Afrique pour savoir quel regard on portait sur le blues et l’histoire de son peuple. Des expériences multiples et lointaines qui n’ont cependant pas altéré ce sentiment de solitude, mais aussi de revanche que l’on ressent à l’écoute de sa musique. Le label Fat Possum lui a confié les clés du camion pour accomplir cette mission rédemptrice, concédant sortir là son premier album foncièrement blues depuis près de vingt ans.

Carl chante d’une voix chaude, profonde et légèrement râpeuse. Son instrument de prédilection est la guitare à résonateur. Qu’elles soient de sa plume (Lost and lonesome, Living hell), empruntées à Skip James (Sick bed blues) ou aux traditionnels (Another man), les huit blues en solo ou sobrement soutenus – toujours dans un esprit “unplugged” – de ce premier album traduisent certains déchirements. Celui de vivre un enfer sur terre ou se résigner à chercher un salut improbable dans l’au-delà. Celui encore d’aimer pour ce que l’on est et non pour ce que l’on a (How to love). Celui enfin de ne jamais voir la société américaine s’affranchir des violences – qu’elles soient policières ou structurelles – qui la taraudent depuis ses origines.

L’effet produit par ce premier album est proche de celui il y a près d’un quart de siècle lors des découvertes d’Eric Bibb, Keb’ Mo’, Alvin Youngblood Hart, Guy Davis, Corey Harris notamment. L’album, dense, est court, mais souhaitons-lui la longue route. 

Dominique Lagarde

Note : ★★★★ (+ scoop)
Label : Fat Possum
Sortie : 15 octobre 2021

Buffalo NicholsDominique LagardeFat Possum