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Live reports / 17.11.2018

Buddy Guy

Il est des artistes dont on se demande pourquoi ils s'évertuent à publier régulièrement de nouveaux albums avec de nouvelles compositions alors que, sur scène, ils ne font que reprendre les mêmes scies depuis des décennies. On a connu le phénomène avec B.B. King ou Ray Charles, mais au moins jouaient-ils leur propre répertoire. Buddy Guy, lui, n'a pas cette excuse, il nourrit son show de standards archi connus et qui varient peu d'une tournée à l'autre. Si l'on a apprécié, comme c'est mon cas, son dernier album, “The Blues Is Alive and Well”, le fait de n'en entendre qu'un seul titre était forcément frustrant.

Après trois Olympia, c'était au tour de la salle Pleyel de l'accueillir. La salle a fait peau neuve il y a quelques années et offre un confort d'écoute incomparable. Le prix des billets s'en ressent, le public aussi. Dépassant largement le cadre des habitués des concerts de blues (ce dont on peut se féliciter), avide de spectacle et de sensations, que Buddy Guy va lui apporter. Mais, pour l'heure, c'est Olivier Gotti qui s'est vu offrir la première partie. Il ne cache ni son plaisir ni son émotion et, malgré les dimensions de la scène, il parvient à imposer sa musique acoustique. Sa voix un peu nasale porte loin, en osmose avec le son boisé de sa guitare Weissenborn et ses glissades acrobatiques. Les titres personnels et intimistes font bientôt place aux blues vigoureusement “slidés” (Dust my broom). Trente minutes lui ont suffi à conquérir la salle. Puisse-t-elle se souvenir de son nom (son album “A Way To Win” vient de paraître sur Ahead/Socadisc).

 


Olivier Gotti

 

 

 

Buddy Guy frappe fort d'entrée, avec Damn right I've got the blues joué dans un déluge de cordes grattées, griffées, frappées, de notes heurtées, télescopées, d'accords stridents. Malgré ce maelstrom sonore, la voix surnage, étonnante de clarté grâce à la sono. Comme toujours, Buddy Guy va maintenant jouer avec les nerfs des spectateurs : après ce préambule hyper musclé, il change de registre, devient presque “classique” en reprenant Muddy Waters (Hoochie coochie man, She's 19 years old). Il manie avec un malin plaisir la tension-détente, passant du murmure aux fulgurances imprévues.

 


Buddy Guy

 

 

Il possède aussi l'art de fusionner les morceaux, Blues in the night s'insère dans Five long years, ou Rock me baby dans I just want to make love to you. Parmi les temps forts, il faut mentionner les deux titres empruntés à Little Willie John, Fever et All around the world, remarquablement chantés. Ses talents de guitariste sont toujours mis en avant, mais c'est aussi (surtout ?) un formidable chanteur, personnel, capable de susurrer d'une voix de tête comme de libérer sa puissance.

 

 


Ric “Jaz” Hall

 


Orlando Wright

 


Marty Sammon

 


Tom Hambridge

 

Propulsé sur les grandes scènes, il a adopté les ficelles du métier, même les plus grosses. Outre les excès sonores dignes d'un Hellfest, il n'hésite pas devant les démonstrations spectaculaires (guitare dans le dos, frottée dans le bas du dos…), joutes avec le clavier, longue descente dans la salle. Il invite aussi sur scène un gamin de douze ans, fort doué semble-t-il. Le public ne boude pas son plaisir et fait une ovation, tout comme il répond aux sollicitations pour chanter, même sur Who's makin' love ou Somebody else's steppin' in. En plus du titre d'ouverture, il ne reviendra qu'une fois sur son propre matériel, avec une belle version de Cognac, le titre phare du dernier album, signé et produit par Tom Hambridge, présent à la batterie.

 

 

 

 

Devenu à 82 ans la figure iconique du blues, Buddy Guy ne parait pas son âge. Il chante remarquablement, arpente la scène pendant 1 heure 40 sans manifester de fatigue. Mais ce qui m'a le plus épaté, c'est sa capacité à maîtriser le chaos sonore qu'il instaure avec le groupe, tous retombent impeccablement sur leurs pieds au final !

Jacques Périn
Photos © J-M Rock’n’Blues
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Line-up : Buddy Guy (vo, g), Marty Sammon (kbd),  Ric “Jaz” Hall (g), Orlando Wright (b), Tom Hambridge (dm).