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Live reports / 04.08.2023

Brian Jackson, New Morning, Paris

26 juillet 2023.

Coauteur, coproducteur, accompagnateur : tout au long des années 1970, Brian Jackson a été le collaborateur privilégié de Gil Scott-Heron, au point d’être crédité à son égal sur sept albums parus entre 1974 et 1980. Si les chemins artistiques des deux hommes ne se croisent que rarement par la suite, Jackson collaborant avec Kool & the Gang, Roy Ayers et Will Downing pendant que Scott-Heron s’enfonce dans ses problèmes personnels, il reste évidemment le musicien le plus légitime pour saluer la mémoire de son ancien partenaire. 

Pour son premier passage dans une salle qui avait accueilli à plusieurs reprises Scott-Heron, c’est évidemment le répertoire de celui-ci qui est au programme, et pendant près de deux heures (avec un petit entracte), Jackson, qui est assis au Rhodes au centre de la scène, va se plonger dans une sélection de titres majeurs issus de leur travail en commun, à commencer par Offerings, et son mantra « We have music to offer you », dont il rappelle que c’était la chanson avec laquelle le duo aimait à ouvrir ses concerts. Peace go with you, brother, Lady Day and John Coltrane, We almost lost Detroit, Winter in America (avec un très beau solo de flûte assuré par Jackson) puis, après la pause, d’autres classiques comme Home is where the hatred is et Piece of a man, sur lequel la voix et le Rhodes de Jackson ne sont accompagnés que de la basse.

Le second set s’éloigne un peu des évidences avec quelques titres moins courants comme It’s your world et Guerilla. Jackson introduit les chansons en racontant quelques anecdotes bien choisies : l’intérêt de Jackson et Scott-Heron pour l’astrologie – les deux protagonistes de Lady Day and John Coltrane partagent leurs signes avec eux… –, l’incrédulité d’Esther Phillips en découvrant que l’auteur de Home is where the hatred is n’a que 19 ans et exigeant de le rencontrer, le fait que le Midnight Band, leur groupe des années 1970, ait eu pour mascotte un gorille baptisé Hugo Rilla… 

Vocalement, Jackson n’a ni la richesse du timbre ni l’expressivité de son ancien associé, mais cela ne suffit pas à distraire de la beauté des chansons, même si l’ensemble aurait probablement bénéficié de répétitions supplémentaires avec les accompagnateurs britanniques, bien qu’ils l’accompagnaient déjà l’année dernière lors de sa venue au Sunset (Steve Walters à la basse, Paul Jones à la batterie et Lenox Cameron à la guitare, aux claviers et à la flûte). Jackson glisse également deux chansons de son dernier album, “This Is Brian Jackson”, dont Little orphan boy, qu’il dit avoir écrite en 1977 et qui a bénéficié d’un remix récent de la légende de la house Louie Vega.

Sans surprise, c’est avec The bottle (et sans rappel) que Jackson termine le show. Comme avec Scott-Heron lui-même, qui la présentait comme une « party song », j’avoue être un peu déçu par le traitement purement festif d’une chanson dont les paroles et le sujet me semblent mériter un autre regard, mais, au vu de la réaction du public, je suis clairement minoritaire !

Sans retrouver – mais ça n’est pas possible – la puissance émotionnelle des concerts de Gil Scott-Heron au New Morning en 2010, qui marquaient ses retrouvailles avec le public français, le résultat est un bel hommage à un artiste majeur de l’histoire des musiques populaires afro-américaines, et une occasion rare d’entendre “en vrai”, par un de ses créateurs, un répertoire qu’il n’est finalement pas si souvent joué. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Christopher Smith

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