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Hommages / 06.01.2025

Brenton Wood (1941-2025)

Si le succès commercial auprès du grand public n’a été qu’éphémère, la carrière de Brenton Wood sur le circuit de la nostalgie s’est prolongée, en raison en particulier de la popularité de sa musique sur la scène “low rider” de Los Angeles, essentiellement composée de membres de la communauté mexicano-américaine locale.

Né à Shreveport en Louisiane le 26 juillet 1941, Alfred Jesse Smith grandit à Los Angeles, dans les quartiers de San Pedro puis de Compton. S’il fait quelques prouesses sportives en athlétisme dans sa jeunesse, c’est la musique qui l’intéresse, en tant que chanteur et pianiste, et il ne tarde pas à se lancer dans une carrière de chanteur sous le pseudonyme de Brenton Wood,  peut-être un jeu de mot entre le quartier de Brentwood à Los Angeles et la ville de Bretton Woods, où a été signé un important traité à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale.

Découvert par le producteur Hal Winn, ses premiers singles pour Wand et Brent passent inaperçus, mais son premier disque pour le label de son mentor, Double Shot Records, lui permet de décrocher enfin le succès en 1967 avec The oogum boogum song, une chanson à la limite de la “novelty” dont il est l’auteur et qui atteint, à la faveur d’un passage à l’émission American Bandstand de Dick Clark, le 34e rang du Hot 100 de Billboard, ainsi que la 19e place côté R&B. Mais c’est avec la chanson suivante qu’il prend sa  réelle dimension : Gimme little sign, dont il est le co-auteur avec les deux patrons de son label, avec son solo de Farfisa joué par le futur Mighty Mo Rodgers, devient un succès international, atteignant la 9e place du Hot 100 américain, et aussi le 8e rang en Angleterre, avec une apparition dans l’émission Top of the Pop à la clé. Un album empruntant son titre au premier tube fait même son apparition dès 1967. Dans la foulée, un troisième single, Baby you got it, connaît aussi un certain succès dans la fin de l’année.

Peut-être parce que Double Shot reste un label local – qui cesse ses activités dès 1972 –, cette réussite n’est pas durable, et les deux singles à se classer, plus modestement, dans le courant de 1968, Lovey dovey kinda lovin’ et Some got it, some don’t marquent pour une décennie la disparition de Wood des classements, même si sa version l’année suivante de A change is gonna come est remarquée. En 1968, un duo avec Shirley Goodman paraît sur une sous-marque de Double Shot sous le nom de Shirley And Alfred, sans succès particulier. En 1969, il fait une apparition dans l’obscur Popdown, mélange de science-fiction et de comédie musicale, auquel participent également Zoot Money, Brian Auger et Julie Driscol. 

Quand Double Shot ferme ses portes, Wood monte son propre label, Mr. Wood Records, pour lequel il enregistre ponctuellement jusqu’aux années 2000, tout en publiant des singles pour des maisons de disques plus importantes comme Warner Bros. et Cream, pour qui il décroche un dernier tube en 1977 avec sa version de Come softly to me. S’il enregistre encore de temps à autre – y compris des remakes de ses tubes en 1986 avec l’album “Out Of The Woodwork” –, c’est au circuit de la nostalgie qu’il se consacre ensuite, apparaissant en particulier très régulièrement sur les scènes de Californie. En 2005, il fait une apparition remarquée à La Nouvelle-Orléans pour le Ponderosa Stomp, accompagné à la guitare par la légende du rock Alex Chilton (les Box Tops, Big Star), mais se contente la plupart du temps de se produire à Los Angeles, devant un public qui ne se lasse pas de ses classiques maintes fois repris au cinéma et à la télévision – The oogum boogum song apparaît ainsi dans deux séries Netflix récentes, Sex Education et The Umbrella Academy – et régulièrement samplés, notamment par J Dilla. Des problèmes de santé l’obligent à interrompre au printemps 2024 ce qui était présenté comme sa tournée d’adieu. Initialement parue en 1992, l’anthologie “Brenton Wood’s 18 Best” a été rééditée récemment par Craft Records. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © DR / Collection Gilles Pétard