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Live reports / 12.01.2018

Boubacar Traoré

Alors qu’une certaine France pleure l’idole des jeunes depuis une semaine, c’est un autre genre de “rocker” issu de la même génération qui nous avait donné rendez-vous ce 14 décembre rue des Petites Écuries à Paris.

En 1962, alors qu’un Johnny gominé affolait les collégiennes en adaptant en français les tubes de rock anglo-saxon du moment, de l’autre côté de la Méditerrané, en Afrique de l'Ouest, Boubacar Traoré imposait son premier single Mali twist sur les ondes nationales de Radio Mali. De twist au sens yéyé du terme, il n’en était pas vraiment question dans cette bande-son propre aux années des indépendances. Avec ces nouvelles perspectives politiques, c'est plutôt une jeunesse éprise de liberté qu'évoquait cette chanson. Et à l’aube de ses 20 ans, le jeune chanteur malien que tout le pays surnomme déjà Kar-Kar, saura parfaitement fédérer ces élans (et c’est bien là le seul parallèle qu’on se risquera à faire avec feu Jojo).

 


Boubacar Traoré, Vincent Bucher

 

Mais en 2017, ce doyen de la musique malienne, celle que l’on dit proche du blues, est venu jusque dans le froid parisien présenter son nouvel album, “Dounia Tabolo” (4 étoiles dans Soul Bag 229). Enregistré à Lafayette (Louisiane) un peu plus tôt dans l'année, on croise sur ce disque quelques succulents invités tel que l’harmoniciste Vincent Bucher, le violoniste Cedric Watson et le guitariste Corey Harris. Des musiciens que le septuagénaire malien a eu la bonne idée d’inviter pour ces deux dates au New Morning.

 


Corey Harris, Boubacar Traoré, Vincent Bucher

 

Complet à rayures et casquette vissée, Boubacar Traoré grimpe sur scène accompagné d'un percussionniste (avec calebasse grand format) et de Vincent Bucher. Salutations à destination d'un public déjà conquis par la bonne bouille du vieux bonhomme, le trio attaque un premier set. Au jeu et à la forme de chant si reconnaissable, qui définitivement fait le lien avec les guitaristes du Delta, se greffent l'harmonica inspiré de Bucher comme les fines résonances de l'unique percussion. Quelques titres plus loin, ce sont les deux invités venus de l'autre côté de l'Atlantique qui rejoignent la scène. Avec le violon créole de Cedric Watson et la guitare tout en souplesse de Corey Harris, les morceaux s’enchaînent ou tournent selon la vibration du moment, en mode jam session. La salle est pleine de corps chaloupant et de larges sourires devant cet alignement de musiciens entiers et complices. Après une courte pause, le deuxième set reflétera ce même enthousiasme partagé sur scène comme dans le public.

 


Corey Harris

 


Boubacar Traoré, Cedric Watson, Vincent Bucher

 


Cedric Watson

 

Christian Mousset, producteur du dernier album et ange gardien de longue date de cet humble musicien malien, ne cachera pas son étonnement après le cumul des 2 h 30 de concert, rappel inclus. Il nous laisse entendre que depuis quelque temps, Boubacar Traoré se fait vieux et ne joue plus tellement en public, notamment chez lui, au Mali, d’où sa stupéfaction à la fin du concert. Ce jeudi soir-là à Paris, l'ami Kar-Kar s'en est bel et bien donné à cœur joie.
Texte et photos : Jules Do Mar