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Live reports / 05.09.2022

Boogie-Woogie Laroquebrou 2022

10 au 14 août 2022.

Non, les vieux volcans éteints du Cantal ne s’étaient pas réveillés ni le Piton de la Fournaise  déplacé : malgré la canicule plombant et le manque de clim’ dans pratiquement tous les lieux animés, les festivaliers-danseurs étaient venus en nombre. Le grand gymnase à gradins (plus de 1 100 places) affichait complet les trois soirs du festival “in”, tandis que les jours du “off” les deux cafés à pianos débordaient largement sur la chaussée avec un public avide de joutes et de rencontres pros-amateurs. 

Ainsi, Rhoda Scott et Caroline Dahl s’émulaient tandis qu’un batteur et un washboard anonymes les rythmaient. Ajoutez un brass band itinérant, une conférence sur leur origine, des master classes de Sébastien Troendlé, du gospel dans l’église romane, un grand bal populaire et toujours des praticiens prêts à en découdre et vous avez une idée de l’ambiance festive et transpirante de cette nouvelle édition. 

Dans la grande salle, trois pianos de marque, entre Rolls et Ferrari (sic), une sono et des éclairages impeccables, deux écrans géants. Coup de chapeau au directeur artistique et historique, Jean-Paul Amouroux, pour ses choix internationaux, l’intendance étant laissée à la ville de Laroquebrou (900 habitants), avec des rouages qui n’étaient pas toujours synchrones.

Rhoda Scott, Caroline Dahl 
Jean-Paul Amouroux

Jeudi 11

Marie De Boysson (Fr). Venue du classique, elle débute en boogie et ne devrait pas assurer l’ouverture, car trop stressée. La section rythmique tente de garder le cap.

Stefan Ulbricht (All). Le jeune allemand expérimenté va recueillir les vivats pour sa maîtrise technique, ses subtilités mélodieuses (il aime le Nashvillien Floyd Cramer) et son sens de l’intensité. Batteur et contrebassiste se lâchent avec plaisir et ça se voit.

Axel Zwingenberger (All). Ce Hambourgeois personnifie à juste titre la renaissance européenne du boogie et nous revient en maître toujours incontesté. En solo, ses basses sont si puissantes que la scène en tremble tandis que ses trémolos droits nous percutent. Superbe machine humaine.

Boogie à 3 pianos. Où Amouroux, Zwingenberger, Ulbright, les Bertrand père et fils et Gilles Blandin improvisent joyeusement sur du Albert Ammons, leur inspiration commune. Les Boogie Girls (Caroline Dahl, Ladyva et Marie De Boysson) font monter la cuisson, déjà à haute température.

Rhoda Scott (USA). Accompagnée de son trio français nickel (dont le guitariste jazz Nicolas Peslier), la grande dame de l’orgue Hammond swingue sur du Wild Bill Davis, Ray Charles et autres Jimmy Smith. Ovation.

Stefan Ulbricht
Axel Zwingenberger
Nicolas Peslier, Thomas Derouineau, Rhoda Scott

Vendredi 12

Arthur Bertrand (Fr). Une révélation ! Fougue, dextérité et maturité à 19 ans. Merci papa. Son batteur et duettiste rivalise d’inventivité, y compris à mains nues.

Ladyva (Suisse) : Elle joue élégamment de son charme et d’un clavier non tempéré. Est-ce la chaleur de la salle ? En concert gastronomique à l’auberge du Teulet, elle assurera tout autant.

Jean-Paul Amouroux (Fr). Classicisme hérité de Memphis Slim, de ses études d’Albert Ammons et des grandes heures du swing de tradition Hot Club de France. Ses invités en rehaussent encore sa prestation.

Father & Son (Fr). Deux pianos pour les Bertrand père et fils, absolument brillants dans leur complémentarité. Probablement le meilleur duo contemporain. 

Trois pianos et six artistes. Revoilà nos duettistes en compagnie de joyeux compères pour un final de première partie tardive, à 23h30. Le public aussi a du mérite.

Philippe Crestée Boogie Big Band (Fr). 15 musiciens dirigés par leur leader-batteur revisitent honorablement les standards de Glenn Miller, Duke Ellington, etc. Même leur chanteuse tentera un Sweet home Chicago emballé cuivré.

Arthur Bertrand
Caroline Dahl, Arthur Bertrand, Jean-Pierre Bertrand

Samedi 13

Gilles Blandin (Fr). Ce prof d’académie conseillé par feu Claude Bolling remet le couvert avec des standards de boogie trop entendus.

Caroline Dahl (USA). Seule au clavier pour les trois-quarts de son set, la résidente de San Francisco va surprendre la salle bondée par l’originalité de ses mélodies americana boogie inspirées de son Kentucky natal. D’abord désarçonné, le public sera conquis. Elle vendra tous ses CD et recueillera de nombreux compliments.

Jean-Pierre Bertrand (Fr). Il joue le plaisir avec entrain. La salle le lui rend bien.

Ladyva & Stefan Ulbright. Un autre duo ponctuel qui balance bien.

Trois pianos et 9 artistes. La sarabande se poursuit allègrement.

Les Jazz Collectors & les Swing Glamours (Fr). Sympathique recréation d’un boogie nostalgique et vocal ’40s costumé à la Andrew Sisters, coloré et aux harmonies entraînantes.

Nicolle Rochelle (USA-Fr). Cette ex-Joséphine Baker de la Revue du Casino de Paris se démène physiquement, s’époumone dans des standards de R&B et s’aventure même dans Blue suede shoes et Great balls of fire. C’est tout de même risqué et parsemé de breaks qui devraient tomber à point nommé. Final bien trop tardif dans un horaire de pré-Saint-Sylvestre. Le public quitte petit à petit malgré (ou à cause ?) de nombreux solos répétitifs. Le rocker que je suis resté et qui fréquente encore des festivals spécifiques est reparti dans le doute. Heureusement, il y eut suffisamment de boogie-woogie de qualité et une ambiance festive à nulle autre pareille pour être pleinement satisfait.

Texte et photos : André Hobus

Caroline Dahl
Jazz Collectors & Swing Glamours
Nicole Rochelle
The Carpenters (Jojo & Jack)