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Live reports / 15.03.2012

Bobby Rush

Bobby Rush à Paris, c’était une première. Et dans un club comme le Méridien, une aubaine ! Je ne sais pas s’il s’agit d’une formule pour tournée européenne ou d’une orientation plus profonde, toujours est-il que Rush avait opté pour une formation basique (batterie,  basse, guitare, clavier) et un répertoire résolument blues. Exit donc la danseuse sexy et les morceaux grivois, sujets à polémiques. Il faut dire aussi que Bobby Rush n’est plus un jeune homme – il proclame avoir 78 ans –, même s’il porte toujours beau et fait preuve, dans son jeu scène, d’une souplesse enviable.

 

Le show commence avec le groupe dont chaque membre affirme ses préférences musicales. Le pianiste/organiste, James "Hound Dog" Lewis,  privilégie le jazz, tandis que le batteur, Bruce Howard, se révèle aussi chanteur très convaincant. Dexter Allen, le bassiste, se distingue par un bon solo alors que le guitariste, Keith Ruff, se montre offensif, tendance guitar hero avec des effets visuels impressionnants. Ce qui inquiète un peu pour la suite. A tort, car dès que le "boss" entre en scène, il impose sa marque : c’est sa voix qui prime et tous se mettent à son service. Bobby Rush prend visiblement plaisir à chanter, à raconter ses histoires, qu’on apprécie d’autant plus qu’il a une diction parfaite et qu’il assortit ses propos de mimiques irrésistibles. Il butine dans les classiques qu’il accommode avec gourmandise : une version de Hoochie Coochie man, un couplet de Black night, un passage de Mystery train. Il entrecoupe chaque emprunt d’un motif à l’harmonica qui ponctue le set. Car l’harmonica, autrefois occasionnel, est devenu central. Il ne recherche pourtant pas la virtuosité, mais cultive le groove, la couleur sonore, et la réussite est totale.

 

 

S’il avait un peu tardé à apparaître lors du premier set, pour le deuxième, il est là dès le début. Seul, assis, une Fender blanche entre les mains, il chante les mérites de Jimmy Reed et son You don’t have to go. Il poursuivra dans cette veine blues minimaliste une petite demi-heure avant d’être rejoint par l’orchestre par une séquence plus funky avec son indémodable Chicken heads. Ce sera d’ailleurs son seul recours de la soirée à son propre répertoire avec Handy man. Pour le reste, il continuera à puiser dans l’inépuisable songbook du blues qu’il connaît intimement, de Kansas City à Smokestrack lightnin’, de Mojo boogie à My babe.

 

 

La comparaison orale de sa prestation du mercredi, à laquelle Nicolas Teurnier a assisté, avec celle du jeudi, dont je fus témoin, fait apparaître des différences énormes de répertoire, d’organisation du spectacle, de distribution des rôles pour les sidemen. De quoi accréditer la thèse selon laquelle Bobby Rush se laisse guider par son intuition, son humeur du moment, sa perception du public. Il se joue de tout formatage et refuse la routine. Son expérience et sa sensibilité d’artiste le lui permettent. Il ne faut donc pas hésiter à aller le voir et le revoir !

Texte et photos Jacques Périn