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Live reports / 06.09.2013

Blues en Loire

Que l'on vienne à La Charité pour la première fois ou qu'on y revienne, le charme opère toujours. Celui d'une petite ville rassemblée autour de son prieuré (clunisien, s'il-vous-plaît) et descendant jusqu'à la Loire dont on enjambe le lit immense et les bancs de sable par le vénérable "vieux pont". Mais nous ne sommes pas ici pour parler vieilles pierres, ni des libraires qui font aussi la réputation du lieu. Non, si quelques centaines d'aficionados du blues se donnent rendez-vous à La Charité chaque année vers la fin août, c'est parce que Le Chat Musique y organise son festival Blues en Loire dont c'était la onzième édition. Nous n'avons pas pu assister à la première soirée du jeudi avec Neal Black & The Healers et They Call Me Rico, nous ne parlerons donc que des concerts à la Halle aux grains du vendredi et du samedi.

Jersey Julie avec Olivier Mas (guitare) et Stéphne Blanc  (contrebasse)
 

Jersey Julie a de l'énergie à revendre et un plaisir évident à chanter, mais ses limites au saxophone apparaissent vite et son chant aux étranges envolées lyriques peut surprendre. Du coup, c'est Olivier Mas, son guitariste de mari, qui focalise l'attention, notamment quand il joue de la slide (I wish you would) ou sa propre composition, la ballade Great chance. Autres bons moments du show, Don't worry no more à la Bo Diddley et I don’t need no doctor, percutant. Mais la formule finit par tourner en rond quand elle s’étire en longueur, mais ça ne semblait pas déranger le public qui en redemandait.

La même impression se renouvelle avec James Harman. Là encore, le leader semble en retrait, cette fois face à son invité. Gene Taylor est en effet convaincant au chant comme au piano et apparaît souvent comme le patron (pas seulement en l'absence de Harman) quand il reprend des classiques (The things that I used to do, Let me ride in your automobile), l’amusant Looped et bien sûr l’inévitable boogie-woogie, passage instrumental téléphoné mais toujours réjouissant lorsqu'il est bien exécuté. Ce qui est le cas.

Gene Taylor
 

Harman n'est pas très en voix, il le reconnaît et s'en excuse. Dommage car c’est justement un excellent chanteur… Il reprend heureusement de l'assurance à mesure que le show progresse et offre de bons moments vers la fin (What you gonna do ‘bout me, Crapshoot). En revanche, il reste efficace à l'harmo et sa prestation reste d'un bon niveau mais on est en droit d’attendre plus d’un tel artiste.

James Harmon

Mz Dee
 

Le samedi, lors du dernier concert, MZ Dee constitue la découverte et la bonne surprise du festival. Très belle chanteuse, vocalement parfaitement en place avec naturel, elle s'exprime dans un registre soul blues dans l'esprit et l'approche (Going down slow, More than you’ll ever know). Elle s'aventure parfois avec la même aisance sur le terrain du jazz (Sugarman, bien aidée par l’orgue d’Alberto Marsico et le jeu de l’excellent batteur Gio Rossi) ou s’amuse avec des pièces plus funky (I got a mind to give up).

Alberto Marsico (ici à la basse) avec Mz Dee

Gio Rossi
 

Également capable d’émotion, elle propose une belle lecture de Movin’ on down the line. Un excellent moment grâce à cette chanteuse qui mérite d'être mieux connue et de son groupe même si je n’ai pas toujours aimé le son pas très "clair" du guitariste Maurizio Pugno, mais c’est une petite réserve peut-être due à un excès de réverb de la sono…

Maurizio Pugno

 

Imaginé par Simon Boyer, le batteur, le French Blues All Stars n'usurpe pas son patronyme. Chacun de ses membres est une "pointure" et a fait ses preuves individuellement mais, réunis, ils entrent dans une nouvelle dimension. Comme s'ils avaient toujours joués ensemble. Youssef Remadna est un "vrai" chanteur aussi délectable et expressif qu'il peut l'être à l'harmonica.

Youssef Remadna
 

C'est aussi un "entertainer" irrésistible de drôlerie. Leur prestation est adroitement orchestrée comme lorsqu'ils échangent leurs instruments, Antony Stelmaszack passant à la basse, Youssef et Thibaut Chopin aux guitares puis le second au chant et à l’harmo. Chacun peut faire montre de ses qualités sans céder aux démonstrations individuelles : Antony sur le blues lent Got my eyes on you et Can’t hold out much longer à la slide, Youssef et Stan Noubard Pacha sur Who's been talking, puis le second nommé sur un cinglant Oh baby

Antony Stelmaszack

Stan Noubard Pacha

Thibaut Chopin
 

Le titulaire des claviers, Julien Brunetaud, étant retenu ailleurs, c'est Fabien Saussaye qui l'a remplacé avec toute l'implication nécessaire. C'est sur le zeste d’humour de Lollipop mama et la tranche de swing de Don't get around much anymore que le concert prit fin devant un public enthousiaste. Elisabeth Levannier pouvait  savourer la pertinence de son choix, celui d'avoir programmé en tête d'affiche un groupe français capable de rivaliser avec les meilleures formations. D'où qu'elles viennent !

Fabien Saussaye

Simon "Shuffle" Boyer
 

Ainsi s'achevait cette 11e édition dont les nombreux concerts gratuits en journée (Ron Thompson & The Mellow Kings, Harp Sliders, Honky Donk, Fancy Stuff, Cadijo) avaient rassemblé bien au-delà des amateurs" patentés".

 

Texte Daniel Léon et Jacques Périn

Photos André Davo et  François Pommery