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Live reports / 24.06.2010

BLUES EN BOURGOGNE

Le Creusot (71) accueillait dans le cadre prestigieux de la cour d’honneur du Château de la Verrerie cette 19e édition de Blues en Bourgogne, un festival bien ancré dans le calendrier national des scènes blues hexagonales.
Deux défections de dernière minute (Bjorn Berge et Eric Bell) n’entamèrent point le moral et la bonne humeur de Renée Cerruti, dynamique présidente de l’association Clin d’Oreille qui s’adressait chaque jour à un public de plus en plus nombreux pour présenter les groupes de la soirée et donner un avis pertinent sur les concerts de la veille.

Jeudi 24 Juin
D’entrée de jeu, une excellente surprise nous attendait avec la jeune formation Soulville dirigée par le volubile guitariste Jérôme Piétri avec Fabienne Della Moniqua, superbe au chant, balançant entre blues et gospel. Si le jeu de guitare de Jérôme Piétri se révèle flamboyant, ce dernier devra cependant se méfier d’excès susceptibles d’étouffer les qualités vocales de sa partenaire. La réussite de Soulville tiendra au savant dosage des qualités de chacun qui sera instauré pour laisser respirer sa musique.


Fabienne Della Moniqua © Jean-Philippe Porcherot


Jérôme Piétri © Jean-Philippe Porcherot

Elliott Murphy et son band enchaînèrent avec un set époustouflant oscillant entre folk, blues et même rock’n’roll. Une présence scénique indéniable pour ce guitariste, chanteur charismatique et compositeur prolifique, d’origine new-yorkaise résidant désormais à Paris et comptant pas moins d’une trentaine d’albums à son actif. Le répertoire fait la part belle à son dernier CD “Notes From The Underground” et, si sa musique s’éloigne quelque peu du blues traditionnel, ce n’est que pour mieux charmer le public par la force des textes et la beauté des mélodies. Le talentueux Olivier Durand, fidèle seconde guitare, pousse son leader vers des sommets, s’appuyant sur la rythmique impeccable de la paire Laurent Pardo (basse)-Alan Fatras (batterie). Cette prestation enlevée enthousiasma le public dont les salves d’applaudissements aboutirent à un ultime rappel, point d’orgue de la soirée.


Elliott Murphy © Jean-Philippe Porcherot

Vendredi 25 Juin
Bjorn Berge, programmé initialement en première partie, ne put malheureusement quitter le sol norvégien en raison de conditions météorologiques exécrables interdisant tout vol aérien. Il fut remplacé au pied levé par 4 des 5 habituels musiciens (Jérôme Perraut manquant à l’appel) de Cotton Belly’s, fraîchement débarqués une demie heure avant le début du spectacle. Et du spectacle, il y en eu… Torse nu ou en T-shirt sous leurs salopettes “de travail”, les Cotton Belly’s dynamitèrent la soirée par leur fougue et l’insouciance de leur jeunesse. Du blues pur jus dépoussiéré et servi par la voix remarquable de leur leader Yann Malek dont le jeu d’harmonica très spontané fit courir un vent de fraîcheur tout au long d’un set très dansant. Le public ne s’y trompa pas, esquissant une ronde endiablée sur Cotton Jig, encourageant les musiciens de la voix en accompagnement d’applaudissements nourris. Notons que le batteur Romano Pamart en impressionna plus d’un par la qualité de son jeu. Le répertoire quant à lui reprend l’intégralité de leur CD “Cotton Belly’s” (2009) que les aficionados s’arrachèrent à la fin du concert. Il n’y en eut pas pour tout le monde !


Yann Malek (Cotton Belly’s) © Jean-Philippe Porcherot


Romano Pamart (Cotton Belly’s) © Jean-Philippe Porcherot

La tâche se révélait d’emblée ardue pour Joe Louis Walker qui aborda timidement son set laissant (volontairement ou non) retomber l’excitation de cette première partie décoiffante.
Le blues tendu mais peu inspiré du guitariste de San Francisco ne réussit pas à décoller d’autant que la voix de l’artiste, tout comme son jeu de guitare, souffrirent de la comparaison avec le potentiel de son partenaire Murali Coryell dans ces domaines précis (très belle version de Way too expensive). Murali, fils du grand guitariste Larry Coryell a de qui tenir, mais il resta néanmoins sur la réserve afin de ne pas faire d’ombre à Joe Louis Walker. Le public, dans sa grande majorité, n’adhéra pas à cette prestation figée, assez technique mais sans âme, empruntant l’essentiel des titres aux deux derniers CD de Joe Louis Walker, à savoir “Between a Rock and the Blues” (2009) et “Witness to the Blues” (2008). Si le set manqua de chaleur et de feeling, on pourrait naturellement s’interroger sur la cohésion du groupe où chacun joua avec retenue, sans jamais sembler pouvoir se libérer sur aucun titre. Des soli trop convenus pour les leaders, un clavier manquant d’épaisseur et une rythmique minimaliste ne permirent pas à cette soirée, qui se termina par un rappel poli, de continuer sur les excellentes bases mises en place par Cotton Belly’s. Dommage !


Joe Louis Walker © Jean-Philippe Porcherot


Murali Coryell © Jean-Philippe Porcherot

Samedi 26 Juin
Eric Bell forfait pour ennuis de santé, la nuit blues-rock annoncée comme celle des “Légendes Irlandaises” (excusé du peu) prenait du plomb dans l’aile.
Taste ouvrit le bal en déployant la grosse artillerie. Du groupe d’origine qui accompagna le regretté Rory Gallagher ne subsiste que le vétéran John Wilson à la batterie. Fort du succès de leur récent CD “Wall To Wall” (2009), Taste a le vent en poupe et surfe sur le regain d’intérêt des fans de hard-rock pour leurs performances. Certes, la basse métronomique d’Albert Mills épaule parfaitement la rythmique de John Wilson, mais le chant s’avère ne pas être la tasse de thé de ces deux artistes. Seule la voix parfois rocailleuse du guitariste Sam Davidson semble sortir de l’anonymat ambiant mais les intonations bluesy s’y font rares – le jeu de guitare quant à lui étant résolument rock.


John Wilson (Taste) © Jean-Philippe Porcherot

Pat McManus a ses fans et ils se déplacent en nombre. Contrairement à Taste auquel manque un réel leader, McManus assura le spectacle sur scène délivrant un hard-rock teinté de sonorités bluesy (Got the right) ou plus souvent traditionnelles irlandaises, notamment par l’emploi du violon sur Runaway dreams ou en jouant sur le manche de sa guitare les mélodies de Juggernaut, Claddagh ou Jigsaw (ce dernier sur une rythmique funky).
Dans la pure lignée des guitar-heroes, l’artiste se démène comme un beau diable, enchaînant moult soli pour un show conforme à son double CD-DVD “Live… and in Time” (2009) qui fait le bonheur des amateurs du genre. Le virevoltant Gordon Sheridan à la basse n’est pas en reste, tout comme le démoniaque Paul Faloon derrière ses fûts. Petite accalmie après la tempête avec la mélodieuse ballade acoustique Return of the G Man… avant que les éléments ne se déchaînent de nouveau.
Même si ce style musical semble assez éloigné du blues conventionnel, ne boudons cependant pas le plaisir d’avoir retrouvé cette musique diablement efficace, typée 70’s, qui berça l’adolescence de bon nombre d’entre nous.
Ah, j’allais presque oublier la présence de Jerry Donahue, ce new-yorkais bon teint (ex-guitariste de Fairport Convention), virtuose de la Telecaster dans la mouvance folk-rock, qui fut invité sur quelques titres par les deux formations mais paru assez effacé sur l’ensemble de la soirée, comme surpris de devoir jouer dans un tel contexte. Son seul mérite fut de distiller à dose homéopathique quelques notes bleues.
En guise de rappel, le Pat McManus Band et Jerry Donahue, rejoints sur scène par les membres de Taste, offrirent un final très musclé pour la plus grande joie d’un public en délire.


Pat McManus et Jerry Donahue © Jean-Philippe Porcherot

Côté Off
Le festival Blues en Bourgogne offre un intérêt non négligeable par la programmation d’une dizaine de concerts gratuits souvent d’un très bon niveau. Dans le cadre bucolique des jardins du Château de la Verrerie, au sein du “village” où se mêlent restauration, expo, vente de produits dérivés, de disques anciens ou de vêtements baba-cool, la scène s’animait dès 16 h, faisant la part belle aux groupes locaux parmi lesquels je retiendrai Agathe The Blouse Band, un duo fort sympathique de jeunes guitaristes chantant un blues traditionnel sans se prendre au sérieux, et surtout Matt Buddy Blues Band, groupe emmené par le guitariste-chanteur Mathieu Tessier dans un répertoire personnel électrique souvent inspiré, le tout joué de façon très professionnelle augurant un avenir séduisant… Mais attendons leur premier CD actuellement en préparation.


Agathe The Blouse Band © Jean-Philippe Porcherot


Mathieu Tessier (Matt Buddy Blues Band) © Jean-Philippe Porcherot

Une mention spéciale pour l’harmoniciste local HarmoPhil (Philippe Pellart) qui joua avec son compère creusotin Laurent Milliet (guitare, chant) au sein de leur duo The Why Why le 23 juin à la médiathèque en concert d’ouverture, mais qu’on aura également pu entendre dans des registres différents, invité par diverses formations dont Bluesy M du guitariste-chanteur Aurélien Morro (le 25 juin) et Matt Buddy Blues Band (le 26 juin).


HarmoPhil © Jean-Philippe Porcherot


Aurélien Morro (Bluesy M) © Jean-Philippe Porcherot

Dimanche 27 Juin
Le concert de clôture, offert par l’association Clin d’Oreille, fut l’occasion d’apprécier The Honeymen – certainement l’une des meilleures prestations de ce festival. Prônant un blues “roots” décapant, ça groove avec les frères (Elmore et Jimmy) Jazz et le public ne s’en lasse pas. Succès assuré pour la vente de leur CD “High Rise Fever” !


Elmore Jazz (The Honeymen) © Jean-Philippe Porcherot


Jimmy Jazz (The Honeymen) © Jean-Philippe Porcherot

Cette chaude après-midi estivale au son de l’un des duos guitare-harmonica les plus torrides de l’Hexagone permit de terminer de la meilleure façon qu’il soit ces quatre jours de fièvre musicale.
Jean-Philippe Porcherot