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Live reports / 01.12.2019

Blues Camp, Villeneuve-Sur-Lot et Tournon d’Agenais

Du 22 au 26 octobre 2019.

Participer au Blues Camp de Christian Boncour et l’association ABC/Blues Station, c’est non seulement profiter d’une bonne organisation mais aussi d’une équipe musicale exceptionnelle, avec un groupe américain résident et des musiciens français et européens. Cette année, les vedettes sont Nick Moss et son groupe avec Dennis Gruenling à l’harmonica et au chant, Taylor Streiff au piano, Rodrigo Mantovani à la basse et Patrick Seals à la batterie, entourés de Curtis Salgado au chant, Gordon Beadle au saxophone, Tonky de la Peña et Michel Foizon (g), Paul San Martin (p), Gladys Amoros (v), Nico Wayne Toussaint (hca), Abdell B Bop (bs), et Francis Gonzalez (dm). 

Une grosse cinquantaine de stagiaires sont présents à Villeneuve-Sur-Lot, de tous âges, tous instruments et tous niveaux, avec un taux de fébrilité variable selon leur expérience. Cinq heures de cours formel par jour, des jam sessions tous les soirs et le concert-cible du samedi en ouverture de la grande soirée, sans parler de tous les partages en temps libre, l’activité est intense.

Nous ne parlerons pas ici de la partie stage mais du reste, et quel reste, puisque les musiciens professionnels présents animent chaque jour en première partie de soirée des masterclass où l’un d’eux est mis en avant pour animer un concert court avant la jam session.

Le premier à s’y mettre le mardi 22 octobre est Tonky de la Peña, accompagné de Rodrigo Mantovani, Paul San Martin et Francis Gonzalez. L’homme est une bonne part du blues espagnol à lui tout seul, ayant contribué très tôt à introduire le blues en Espagne puis tourné dans son pays et en dehors avec de nombreux musiciens réputés. C’est aussi un débatteur intarissable sur l’état du monde, de l’Espagne, et des forces idéologiques, politiques et économiques en présence. Son blues est électrique, principalement de Chicago, dans un style sobre directement issu de la première moitié des années 1950. Son jeu de guitare est délectable, sans esbroufe, préférant la note juste et placée à quelque forme d’héroïsme que ce soit. Paul San Martin est aérien au piano et Nico Wayne Toussaint fait une apparition efficace à l’harmonica.

Le mercredi 23 est dévolu à Curtis Salgado, accompagné du Nick Moss Band au complet. Cela va être la première grosse claque de la semaine. Curtis commence par raconter sa jeunesse, sa venue au blues, comment il est devenu conseiller du film Blues Brothers et d’autres choses encore. Puis il se lance dans un de ces tours de chant dont il a le secret, unifiant soul, blues, rhythm and blues, de toutes provenances (Little Johnny Taylor, B.B. King, Muddy Waters, O.V. Wright), en se donnant à fond. Le groupe est au diapason, avec Nick Moss placide et Taylor Streiff éblouissant au piano, développant un toucher bluesy comme on en entend peu aujourd’hui.

Jeudi 24, deuxième claque avec Dennis Gruenling en vedette. Il démontre son immense talent d’harmoniciste et de showman, impeccablement vêtu, le thème de ses tenues fera même l’objet de paris quotidiens entre stagiaires. Instrumental en ouverture, reprises de Bo Diddley, Howlin’ Wolf, Little Walter, Dave Bartholomew, harmonica diatonique ou chromatique, phrasé audacieux, solos impeccables, il est en feu et communique son incandescence à ses invités. Curtis Salgado intervient sur Don’t start me to talking, Gordon Beadle sur Jump children, pendant que Rodrigo Mantovani slappe à tout-va et que Nick Moss envoie du lourd à la guitare. Count on me, extrait du disque du Nick Moss Band “The High Cost Of Low Living” est un sommet de rockin’ blues avant un rappel en duo harmonica et contrebasse sur Easy de Walter Horton.

Jamais deux sans trois, la masterclass de Nick Moss le vendredi est au même niveau que les deux précédentes. Des blues bien sentis, un Dennis Gruenling efficace, le piano aérien de Taylor Streiff, l’impeccable section rythmique de Rodrigo Mantovani et Patrick Seals, Curtis Salgado et Gordon Beadle aussi généreux en invités que la veille. Lors de sa présentation en ouverture, Nick utilise avec malice le traducteur de Google pour s’exprimer en français, puis évoque une page Wikipedia « pleine de fiction ». Son blues est tout sauf fictif, avec des originaux et des reprises. Le Hucklebuck de Paul William est déchaîné, la séquence slide sur la reprise de Robert Nighthawk fait frissonner, et les autres emprunts à Muddy Waters, B.B. King, Jimmy Rogers, et Freddie King sont délectables. Ugly woman, sur son dernier disque “Lucky Guy!”, est le temps fort de la soirée. Les solos de saxophone, harmonica et guitare sont brillants, et Patrick Seals swingue comme jamais. Le final est en trio avec Nick Moss à la guitare et à la batterie.

Tonky de la Peña
Patrick Seals, Curtis Salgado, Rodrigo Mantovani
Gordon Beadle, Nick Moss, Patrick Seals, Dennis Gruenling, Rodrigo Mantovani
Rodrigo Mantovani, Denis Gruenling
Nick Moss

Le samedi 26, tout le monde se déplace à Tournon d’Agenais pour la soirée de clôture. C’est d’abord le concert des stagiaires sur un répertoire de seize titres empruntés à Bee Houston, Little Walter, Chuck Berry, Sonny Boy Williamson n° 2, James Brown, Johnny Adams, Bo Diddley, AC Reed, Howlin’ Wolf et d’autres encore. C’est varié et les moments forts sont nombreux.

Le concert des professeurs commence avec Tonky de la Peña, suivi par Nico Wayne Toussaint et une reprise de Junior Wells & Buddy Guy, qui reste pour accompagner Paul San Martin sur un morceau de Lonnie Mack. Michel Foizon prend le lead pour le gospel blues Death don’t have no mercy, avec Jean-Pierre Légout au piano. Gordon Beadle est au bord de la scène pour sa composition Have horn will travel avant que Gladys Amoros le rejoigne pour chanter Crazy mixed up world qui rassemble tous les professeurs pour une succession de solos enthousiastes, du piano à quatre mains et du chant collectif.

Gordon Beadle, Nico Wayne Toussaint, Gladys Amoros, Tonky de la Peña, Michel Foizon
Gordon Beadle, Michel Foizon
Gordon Beadle
Abdell B Bop
Tonky de la Peña, Nico Wayne Toussaint
Tonky de la Peña

Nick Moss Band et ses invités ont déjà été extraordinaires pendant les masterclasses et on se demande s’ils peuvent aller plus loin pour ce concert final. La réponse est oui, mille fois oui. Instrumental jump blues pour commencer avec Dennis au chromatique, Lucky guy à suivre et voici Curtis Salgado qui apparait pour Woman you must be crazy. Il échange les solos d’harmonica, acoustique et amplifié, avec Dennis, Taylor Streiff y va d’un premier solo de piano à tomber par terre, puis Nick conclut en évoquant B.B. King et Buddy Guy. Tension-détente, dites-vous ? Nick joue merveilleusement en slide sur Long distance call avec Taylor qui grimpe toujours plus haut. Après une reprise de Little Milton un titre boogie blues est joué à trois par Nick, Rodrigo Mantovani et Patrick Seals. Dennis Gruenling chante sur I’d rather be the devil et Movin’ on my way. Puis Nick parle du saxophoniste JT Brown et invite Gordon Beadle à venir jouer avec lui How long de J.B. Lenoir. Le final est superbe, le groupe étant rejoint par Nico Wayne Toussaint, Paul San Martin, Abdell B Bop, Curtis Salgado, sur une nouvelle reprise de Muddy Waters, Can’t get no grindin’. Le rappel est double avec le jump blues Rock this house puis le soulful You’re gonna make me cry chanté par Curtis avec Taylor à l’orgue.

Que dire en conclusion ? On en a pris plein les oreilles, plein les yeux, plein le cœur avec des artistes soucieux de communiquer et partager pour une succession de moments extraordinaires. Bien des jours après, on en frissonne encore.

Curtis Salgado
Denis Gruenling
Gordon Beadle, Nick Moss
Rodrigo Mantovani, Curtis Salgado, Denis Gruenling
Paul San Martin, Taylor Streiff
Nick Wayne Toussaint, Nick Moss, Michel Foizon, Dennis Gruenling
Nick Moss, Rodrigo Mantovani, Dennis Gruenling

Texte et photos : Christophe Mourot

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