Chroniques / 27.12.2022

Blue Planet, hiver 2022-2023

L’abondance de la production discographique reçue pour notre rubrique Blue Planet nous empêche de tout traiter dans les pages du magazine papier, aussi revenons-nous ici pour parler de ces disques qui ont bien retenu notre attention.

Né à Brooklyn, Jaime Dolce a longtemps joué avec Mason Casey avant de s’installer en Italie et d’y former le groupe Innersole. Sa musique baigne dans un rock des années 1970 groovy, teinté de blues, funk, et country. Claviers, percussions, et chœurs entourent la voix de Jaime et sa guitare sous influence hendrixienne. Il y a de bons moments comme la reprise de Got love if you want it qui se finit en dub. Ces moments inattendus sont dissimulés dans la durée souvent importante des morceaux.

La photo de pochette du disque de Mojo Bruno le montre jeune homme à côté de Muddy Waters et captivé par sa présence. On entend la voix de Muddy en introduction du disque que Mojo Bruno consacre à son répertoire avec son trio Mannish Boys, avec un mélange de morceaux qui lui appartiennent et d’autres qu’il a repris à d’autres, ou enregistrés dans la partie la moins faste de sa discographie. C’est joué et chanté avec application, avec parfois des audaces comme la reprise soulful de Gypsy woman, et on passe un bon moment.

Les amateurs de roots music chantée en français ne passeront pas à côté du disque de Marc Loy, intitulé “Nu(e)”. Guitare acoustique, rythmique légère, claviers, cuivres, harmonica intermittent de Vincent Bucher ou Diabolo, guitare invitée de Patrick Verbeke, les ambiances sont variées, country rock, blues, gospel, funk, le chant est convaincant, sur des textes fouillés, et c’est encore un bon moment.

Toujours en français, et avec peu ou prou le même format musical, P.J Le Moal est un peu plus folk, avec une voix plus traînante également, mais toujours teintée d’expérience peut-être désabusée mais encore porteuse d’espoir. Si l’ambiance est principalement intime, il sait aussi l’emballer quand il déclare son amour pour le tout le monde et même la Joconde, mais il aurait pu le faire plus tôt.

Restons en électro-acoustique avec Cincinnati Slim et son invitation au blues, qu’il pratique en soldat courageux, avalant les kilomètres et visitant des salles pas forcément à la hauteur de son talent, mais qui permettent sans doute d’apprécier sa musique en proximité. Avec Philippe Boyer à l’harmonica, Philippe Quinette à la contrebasse, lui-même étant au chant, à la guitare et aux percussions, Slim distille de vraies et bonnes ambiances, mélange de blues ancien et cocktail blues, avec une énergie terrienne. Des réussites comme Invitation to the blues, Guilty, Price hill blues, amènent vite à la fin du disque et son titre caché Undercover.

Gipsy Bacuet au chant et Lionel Wernert aux guitares sont les deux leaders du Lee O’Nell Blues Gang dont le nouveau disque traduit le talent et l’ambition. Qu’il nous soit permis de ne pas y entendre beaucoup de blues mais il est tout à fait recommandé d’apprécier leur très bon rock, bien balancé, porté par une production solide, guitare, claviers, chœurs, et invités. On peut entendre Fred Chapellier à la guitare et Leadfoot Rivet au chant sur le cocktail blues Let the good times roll. L’ensemble quitte donc parfois le rock musclé pour se faire plus rhythm and blues comme sur l’intéressant Boogie woogie broke down love où la voix de Gipsy prend une saveur coquine bienvenue.

Qualifiant eux-mêmes leur musique d’« acoustic swing & rock ‘n’ roll », les quatre membres de Cherry’s On Top produisent une musique effectivement joyeuse, rythmée par un cajon et une contrebasse et emmenée par deux guitares et deux voix, on se souvient à l’écoute du trio britannique Shakin’ Pyramids. Une guitare acoustique pour des riffs bien secs, une électrique pour la couleur rockabilly et country boogie, des voix agiles, de l’écho partout, l’effet rock ‘n’ roll swinguant est bien là.

Enfin, Jay (Ryan) and the Cooks publient une version en anglaise de leur excellent disque “Le Cœur Sec”, chroniqué dans Soul Bag 243, et intitulé cette fois “Dried Up Dreams”. Le cachet donné par le chant en français avec accent anglais est forcément atténué mais l’ensemble reste un passage recommandé.

Dans le coin des EP, on retrouve VW Project, vu et apprécié au tremplin blues des Rendez-Vous de l’Erdre en août dernier. Autour de l’excellente chanteuse Valentina Vatutina, on note la présence du guitariste George Dyer et d’un excellent trio claviers-basse-batterie, qui fait danser dès la première composition Feel you want some more. Car les cinq morceaux principaux sont originaux, laissant espérer un talent durable. La voix de Valentina est soul, affirmée, le groupe groove joliment en n’hésitant pas à durcir le son. La reprise bonus de Everyday I have the blues permet à Valentina de montrer encore plus de grâce.

Mojow propose une garage soul funky speedée, en trio guitare, sax baryton, batterie et bien sûr chant et chœurs. Energie, entrain, compositions, précision musicale, les trois compères ont de quoi retenir l’attention. Chanteur guitariste du duo électrique post Black Keys The Blue Potter Pot, Ray Is a décidé de combler un manque grandissant de retrouver une forme musicale épurée, guitare acoustique et voix. C’est agréable de découvrir sa voix et sa guitare en mode posé, de comprendre ses textes dans l’instant, et d’avoir envie d’aller écouter son country folk bluesy en concert.

Le blues rock d’Almanak est solide, guitare, claviers, harmonica, rythmique, le quartet a une belle énergie, qui plonge ses racines dans le rock des années 1970, avec une dose ultérieure de blues et de soul. Un groupe qui doit donner son effet maximal en concert.

Christophe Mourot