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Chroniques / 22.11.2021

Blk Odyssy, Blk Vintage

Comme une virée hallucinée en compagnie de Curtis Mayfield, D’Angelo et George Clinton. Le pompiste tout sourire qui aurait fait le plein de carburant hip-hop s’appellerait Andre 3 000 ou Anderson .Paak, mais Sam Houston se passe d’invités de marque pour peindre son tableau hautement inflammable. Le jeune homme basé à Austin (Texas) arbore désormais uniquement le nom de son groupe et délivre un tourbillon soul funk habité par un besoin criant de témoigner. Les bras noirs tendus sur la pochette font notamment écho à son frère aîné tué par la police ; il est ici largement question de perte de repères, de spirale destructrice dessinée par le couple violence-injustice.

“Blk Vintage” est un premier album sombre, tourmenté et profondément ancré dans une tradition d’exorcisation par le groove. Un groove protéiforme, généreux, déluré, en prise directe avec le p-funk comme ce Funkentology qu’on dirait échappé d’un LP de Parliament, ce Nineteen eighty qui lorgne aussi la neo soul, et bien sûr ce Ghost ride et son refrain qui ensorcelle. Tapies dans l’ombre, une trompette en sourdine et une guitare grainée n’hésitent pas à s’avancer pour tendre ou adoucir le climat. Une rage sous-jacente irrigue le diptyque Big bad wolf/Sober, le feeling jazzy et les arabesques de Ya no podia salir évoquent fortement Really love de D’Angelo, tandis que Murda bénéficie d’une propulsion afrobeat inattendue.

Ou comment s’écarter du funk traînant et cabossé pour mieux s’y replonger. Ainsi, après deux minutes directement militantes (Blk revolution), une lente pulsation tambourine fort, des cordes se dressent, un chœur s’immisce et flanque la chair de poule. « They gone stop killing all these black people [silence] Someday. » Ce silence en dit long. Drinking good vient de conclure le voyage en en rappelant l’origine : “Blk Vintage” est un cri viscéral qu’on ne peut étouffer. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★1/2 (Scoop)
Label : After School
Sortie : 27 août 2021

BLK OdyssyNicolas Teurnier