Mécleuves Terre de Blues 2024
17.09.2024
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13 juillet 2023.
Absent des scènes françaises depuis cinq ans et dépourvu d’actualité discographique depuis la sortie en 2015 de “In Another Life” (en dehors de quelques titres autoproduits parus en streaming et de ses habituelles apparitions sur les disques de collègues comme Robert Glasper ou Common), Bilal peut néanmoins compter sur la fidélité de ses fans, qui remplissent facilement le New Morning.
Comme lors de ses visites précédentes, c’est avec un simple trio guitare-basse-batterie (que je n’ai hélas pas pu identifier avec certitude, mais qui sont peut-être, au moins en partie, les mêmes qu’en 2018) que se présente le chanteur. Si ce format lui interdit de reproduire les arrangements élaborés de ses disques, il a l’avantage de se donner une grande liberté au chanteur, qui communique régulièrement avec ses musiciens par signes.
Dépourvu d’album à défendre, Bilal en profite pour se balader librement dans son répertoire, empruntant à chacun de ses albums, même le maudit “Love For Sale”, dont la sortie avait été annulée par la maison de disques suite à sa fuite sur Internet et qui est représenté ici par le très beau Something to hold on to. Sans surprise, c’est le classique “1st Born Second” qui est le plus largement représenté, avec de belles versions réinventées de All that I am (Somethin for the people) et Reminisce en particulier. Plus de vingt ans plus tard, le tube Soul sista, ici interprété quasiment en ballade, n’a pas pris une ride, et il suffit des premières notes de l’intro pour que le public le reconnaisse et accompagne vocalement le chanteur. “A Love Surreal”, de 2013, est également largement revisité, avec évidemment le classique West side girl, visiblement très attendu, et le beau Back to love.
Parfois erratique en concert, Bilal est cette fois-ci pleinement présent, habité par sa musique et en communion avec un public dont il apprécie visiblement la réactivité, au point de remercier à la fin les spectateurs pour leur énergie. Même l’interruption, au bout d’une petite demi-heure à peine, pour l’entracte impératif, ne semble pas le perturber. La pause ne dure d’ailleurs qu’une dizaine de minutes, tant l’envie de jouer est visiblement forte – la seconde partie, rappel compris, dépassera largement une heure.
Vocalement, il est, comme à chaque fois, un funambule qui danserait sur une corde invisible, passant avec une souplesse qui évoque celle d’Al Green de sa voix la plus basse à un falsetto qui tutoie les étoiles. S’il lui est parfois arrivé, lors de concerts précédents, d’avoir besoin d’un peu de temps pour trouver son équilibre, voire de “tomber à côté”, il est ce soir en apesanteur, sans jamais donner l’impression d’avoir besoin d’essayer pour toucher au cœur de sa musique. Le public le suit à chacun de ses pas, jusqu’au rappel qui se clôt sur le beau All matters.
Il y a toujours un risque à aller écouter Bilal en concert, tant le chanteur, sans doute l’un des plus brillants sinon le plus brillant de sa génération, refuse de jouer la sécurité et a fait de la prise de risque un des éléments de son univers artistique. Mais quand, comme ce soir, la musique est là à chaque instant, le résultat dépasse en puissance et en beauté ce que peuvent offrir nombre de ses collègues, et la récompense mérite bien de lui faire confiance.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot