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Hommages / 21.05.2022

Bernard Wright (1963-2022)

Resté largement méconnu du grand public malgré une carrière personnelle engagée dès la fin de son adolescence, Bernard Wright a joué un rôle considérable, sur quatre décennies, dans les coulisses de l’histoire des musiques afro-américaines, entre jazz et R&B.

Né dans le Queens, filleul – et non fils comme souvent rapporté – de Roberta Flack, il fait ses études à la très réputée High School of Performing Arts de New York, et ne tarde pas à se faire remarquer en tant que claviériste, croisant en particulier la route de Tom Browne et Lenny White. Il n’a que quinze ans quand il fait ses débuts discographiques, aux côtés de Tom Browne, Crown Heights Affair, Charles Earland et quelques autres, et tout juste 17 ans quand il sort son premier album “‘Nard”, co-produit par Dave Grusin et Larry Rosen avec un casting de luxe, de Marcus Miller à Luther Vandross en passant par Dennis Chambers, Patti Austin et Don Blackman.

Le disque est un succès, se classant en 7e position dans le classement jazz, à la 23e place côté R&B et montant même jusqu’au 116e rang du hit-parade pop. Extrait de l’album, Just chillin’ out fait même son apparition dans les charts “Dance”, tandis que l’irrésistible Haboglabotribin devient un classique, repris dans le jeu vidéo Grand Theft Auto V et multisamplé (par Snoop Dogg, 2Pac, et quelques autres).

Plus clairement orienté R&B, “Funky Beat”, qui sort deux ans plus tard connaît une trajectoire similaire, avec la chanson titre comme principal succès. “Mr. Wright”, paru en 1985 et coproduit par Lenny White et Marcus Miller, poursuit dans cette direction et se classe à la 25e place des charts R&B. L’album offre aussi à Wright son plus grand tube avec Who do you love, qui monte jusqu’à la 6e place du hit-parade R&B et bénéficie même d’un clip ! 

Ce succès marque paradoxalement la fin de la carrière commerciale personnelle de Wright. Avec Miller et White, il participe à l’aventure all-stars des Jamaica Boys, qui publient quelques disques à la fin des années 1980, puis se tourne ensuite vers le gospel et publie plusieurs albums dans ce registre au début des années 1990. N’ayant jamais totalement renoncé à son rôle de musicien de studio, il poursuit dans ce registre tout au long des années 1980, 1990 et 2000, passant sans difficulté du R&B au jazz ou au hip-hop. Il apparaît notamment sur des disques de Doug E. Fresh & The Get Fresh Crew, Miles Davis, Cameo, Bobby Brown, David Sanborn, Chaka Khan, Stanley Jordan, Roberta Flack et des copains Marcus Miller, Lenny White et Tom Browne.

Jouant volontiers le rôle de mentor pour des artistes des générations suivantes, il croise aussi la route de Michael League avant même que celui-ci crée Snarky Puppy et du RH Factor de Roy Hargrove, avec qui il se produit au New Morning en 2003. Loin de se limiter au studio, il intègre aussi le groupe de scène de Marcus Miller et se produit avec lui sur les scènes du monde entier (l’album “Live & More”). De façon plus discrète, il se produit en trio avec Alfredo Alias et Damon Banks sous le nom de Too Bad (un album en 1999, “Back To Our Roots Vol. 1”) et collabore avec le saxophoniste japonais Sadao Watanabe (“Go Straight Ahead’ N Make A Left” sur Verve en 1997). Basé à Dallas, il continuait à se produire localement et à mettre son expertise et son expérience au service des jeunes musiciens. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Carol Friedman / Collection Gilles Pétard