Ben est accro. À sa toute jeune fille et à la maman, à son public et à la musique. Mais pas à son surnom. Que l’Oncle Soul soit remercié pour service rendu aux vibrations vintage et au chant en français, mais dix ans après une ascension fulgurante il est temps de s’affranchir d’une étiquette réductrice. Ben n’a pas attendu 2020 pour écrire d’autres chapitres réussis, mais ce quatrième album studio rebat les cartes et offre une nouvelle perspective. Compos en anglais, appel à beatmakers pour créer l’ossature et patient travail de studio pour déployer les couleurs et ajuster les teintes. Enfilant une casquette de réalisateur, Ben pousse plus loin l’approche du disque précédent et crée un élan nouveau nourri de l’apport de vieux compagnons nommés neo soul, R&B, hip-hop et jazz.

Jalonné par deux grooves ciselés aux textes imagés (Two trees et Let it go), “Addicted To You” explore plusieurs pistes sans faire fausse route. Cordes et cuivres peignent un bel écrin à ce Next to you qui, chanté avec Yuna, célèbre une tendresse héritée d’Al Green et de D’Angelo. I love this game en appelle au souffle d’un boom bap coriace ; chevillé à un puissant riff, All my life est propulsé de mots de maîtres par Surik’n et Akhenaton (IAM). Dépouillé, intense, Call me s’élève au-dessus des murmures de son ondulation vrombissante, non loin d’Addicted to you, pièce maîtresse et bel exemple du pouvoir enivrant d’une soul lovée dans les rebonds tranquilles chers à la trap.

Outre des parures de guitares mélodieuses et des cuivres et bois qui n’oublient pas les riches enseignements de Roy Hargrove, le lien, le guide entre ces différents tableaux est évidemment le chant de Ben. Toujours à la fois ce grain épais, cette urgence sous-jacente et cette ligne claire qui le rattachent à ses modèles des sixties (de Redding à Sam Cooke), mais aussi une liberté dans le phrasé propre au R&B d’aujourd’hui. Ben n’est plus le même, Ben est lui-même. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★
Label : Blue Note
Sortie : 27 mars 2020