Porretta Soul Festival 2025
21.08.2025
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Salle Abadenn, Bain de Bretagne, 25 et 26 Avril 2025.
Encore une belle programmation dès ce vendredi soir, avec tout d’abord l’école de musique Opus 17 pour un répertoire travaillé et éclectique, dans un but pédagogique tout au long de l’année tendu vers le but d’emmener les jeunes artistes et futures “stars” devant un public accueillant, ne ménageant pas ses applaudissements. Du rock, du funk, de la pop, du blues : Opus 17 ouvre les deux soirées de Bain de Blues pour le bonheur des parents des jeunes musiciens et des amateurs de bonnes vibrations.
Une des spécificités de Bain de Blues, c’est de ne jamais brider les musiciens et de ne pas laisser le public sans musique. Avant le premier concert de la grande scène et durant les trois changements de plateaux, un groupe aguerri (local ou non) a pour tâche d’animer durant quatre quarts d’heure l’“inter-scène”. Tâche ingrate et difficile, mais mission accomplie haut la main par les Bretons The Customers. Volontiers rock ‘n’ roll tendance années 1950, le quartet revisite un répertoire également parsemé de pièces country composées par quelques légendes du genre : Elvis Presley, Buddy Holly, Johnny Cash, Steve Earle… Un franc succès pour cette “mise en bouche”, qui ne se démentira pas lors de leurs autres passages.
C’est déjà nombreux que se pressent les habitués et les nouveaux venus dans la “Salle de Bain” nouvellement renommée “Abadenn” (“spectacle” en breton), devant la grande scène. Le duo breton Akène Bleu honore son prix Bain de Blues au du tremplin des Rendez-vous de l’Erdre à Nantes en 2024 (tremplin qui n’aura malheureusement pas lieu cette année). Adeline Haudiquet et Alex Mirey séduisent un public enthousiaste avec sa complicité, son inventivité, son charme, sa subtilité, une excellence musicale de chaque instant et une belle harmonie. Un set tout en finesse, emmené avec le sourire et un professionnalisme bluffant, au service d’un répertoire original parsemé de quelques emprunts à Bonnie Raitt ou Little Walter, durant lequel les spectateurs vibrent à l’unisson tant la guitare d’Alex virevolte en de multiples chatoiements et la voix d’Adeline captive et subjugue délicieusement. À revoir en concert entier, tant la formule obligée du set court, imposée par le format “festival”, peut parfois frustrer le spectateur.
Le groupe déployé par le batteur-tourneur Denis Agenet autour de Delanie Pickering a emballé les plus exigeants avec un blues old school enlevé et hyper-talentueux, doté d’un swing diablement efficace. Arrivée du Massachussets, découverte en France au printemps 2024 au Terri-Thouars Blues Festival, les dates européennes se sont enchaînées pour la révélation-sensation qu’est cette petite jeune femme pétrie de feeling, un peu timide encore sur scène, chantant divinement et possédant un sens du placement à la six-cordes habituellement réservé aux artistes expérimentés. Des volutes acrobatiques, jamais démonstrative, tout en feeling et en finesse : elle connaît parfaitement son blues sur le bout de ses dix doigts. À seulement 28 ans, Delanie Pickering sait imposer un style – vestimentaire, aussi – qui lui sied à merveille : le blues de l’immédiate après-guerre, le jump blues, le Chicago blues. Et la complicité avec la rythmique éprouvée de Denis Agnet (batterie, chant) et Abdell B Bop (basse, contrebasse) augmentés du fabuleux Damien Cornélis (piano, orgue) est tellement évidente que la fraîcheur de l’ensemble, dynamisant un répertoire expert et souvent original, bluffe d’entrée. LE grand moment blues de la soirée !
Les jeunes Néerlandais de No King ont ravi les amateurs d’un blues rock bétonné, cohésif et flamboyant. J’ai été assez peu séduit par l’ensemble, assez bruyant au final, même si le public a semblé adorer. Appréciant habituellement aussi les belles envolées de guitare, les rythmiques dynamiques, l’orgue Hammond aux sonorités seventies et le chant véhément, j’ai trouvé que le répertoire de ce groupe manquait franchement de nuances, que les parties vocales forçaient un peu trop le trait, que l’ensemble n’avait pas forcément l’homogénéité qu’on attend d’un grand groupe, chacun jouant pour le morceau et non pour briller individuellement. Les solos de guitare virtuoses peuvent ravir, mais là ils saturent. Quelques années de maturation et le visionnage utile de quelques grands noms du genre devraient pallier ces défauts de jeunesse, la fougue ne devant selon moi pas l’emporter sur la cohésion.
Autour de la personnalité joviale et rassembleuse de leur leader Nico de Cock, les fabuleux Belges The Bluesbones ont achevé un public aux anges avec leur blues musclé et dansant. En l’absence de Stef Paglia, retenu sur un autre projet (il les multiplie avec bonheur), c’est le guitariste de Guy Verlinde qui est venu apporter son expertise et ses pédales au groupe, en “plan B” de luxe. Le chanteur est possédé, sa voix puissante captive, la rythmique est des plus efficaces, et on a le bonheur de voir se dérouler un répertoire personnel et inventif, largement rodé par des années de scène aux quatre coins de l’Europe. Le dernier album du groupe est largement mis à contribution et le public qui s’est quand même un peu effiloché (on est déjà le lendemain) en redemande. Un grand plaisir pour les amateurs de blues rock qui aiment leur musique compacte, harmonieuse et galvanisante. (ML)
Le samedi soir est lancé une nouvelle fois par l’ensemble Opus 17 qui rassemble autant de monde que la veille et c’est mérité. Leur enthousiasme et leur talent font plaisir à voir et écouter.
La petite scène est ensuite ouverte par Runk’s, une formation régionale dont le soul blues funky met instantanément le public en mouvement. Là encore, l’enthousiasme et le talent, avec un chant de qualité et la présence bienvenue d’un trombone, font mouche et on aura plaisir à les retrouver à chaque inter-scène.
C’est le Blues Organ Combo qui se présente en premier sur la grande scène. Bien connu à Nantes via ses concerts réguliers dans les clubs locaux, il est temps de les voir aussi sur une scène d’importance. Julien Broissand (chant et guitare), Bruno Denis (orgue) et Gabor Turi (batterie), démontrent aisément que cet environnement leur convient. Les trois compères en semblent boostés comme jamais, et le son ample et chaleureux, la puissance ainsi disponible, le chant juste de Julien, sa guitare plus laidback que jamais, le répertoire jazzy blues, voire bluesy jazz, installent parfaitement leur univers et leur set paraîtra bien court.
Leur succèdent Johnny Burgin et Aki Kumar, accompagnés par June Core à la batterie et Philippe Dandrimont à la basse. Avec eux, on attend du blues et on en a. Johnny Burgin puise dans son répertoire, Blues from coast to coast, I did the best I could, reprend Elmore James et L.V. Banks, qu’il orne de beaux solos de guitare, d’une sobriété qui l’honore, tout en laissant de la place à Aki Kumar pour des contrechants et des solos. Ce dernier emprunte lui à Jerry McCain ou aux Clash, et envoie deux de ses blues en hindi sur lesquels il entraîne le public à chanter avec lui. Son dynamisme scénique contraste quelque peu avec la relative discrétion de Johnny Burgin et c’est là que nous rejoignons ce que dit notre collègue Frédéric Adrian à propos de leur prestation au Beautiful Swamp Blues Festival, à savoir le manque de cohésion et d’unité entre les deux artistes et avec leurs deux accompagnateurs, le batteur June Core en particulier, presque sous-utilisé pour quelqu’un de sa stature. Mais le blues est là, le son est beau, avec une qualité rare donc on est bien !
Les Principles Of Joy, emmenés par la chanteur Rachel Yarabou et l’organiste – et flûtiste – Ludo Bors, avec Jérôme Mackles à la basse, Jean-Baptiste Harryson à la guitare et un batteur dont nous ne connaissons pas le nom, démarrent avec une intensité élevée qui ne baissera pas dans la suite de leur concert. Leur soul traditionnelle qui évoque Sharon Jones et les Dap-Kings, dont ils reprennent un morceau, développe une belle énergie, placide pour certains d’entre eux, débridée pour d’autres. Rachel chante avec autorité, Jean-Baptiste est incisif à la guitare, Ludo n’hésite pas à grimper sur ses claviers, la rythmique est solide. Cela manque peut-être un peu de respiration mais c’est très efficace.
C’est un GA-20 nouvelle formule qui clôt le festival avec Cody Nielsen (chant, guitare) et Josh Kiggans (batterie) succédant respectivement à Pat Faherty et Tim Carman, le pilier et guitariste Matthew Stubbs étant fidèle à son poste. Si on retrouve le répertoire qu’on a apprécié sur les différents disques et dans les concerts précédents, l’impression laissée par Pat, Tim et Matthew ensemble était tellement forte qu’on ressent un décalage avec le punch et la cohésion du trio d’origine. Cody et Josh sont très bons et se donnent à fond, on peut avoir confiance, et profiter de l’instant, en s’éloignant un peu de la scène car le son est très fort.
Merci à Patrick Lecacheur et à toute l’équipe du festival pour ces deux très bonnes soirées.
Textes : Marc Loison pour le premier jour, Christophe Mourot pour le second
Photos : Yannick Enjalbert et Christophe Mourot (photo d’ouverture)