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Live reports / 05.12.2009

BAGNEUX BLUES NIGHT


Eddie C. Campbell (derrière : Ludovic Binet et Jean-Pierre Duarte) © Alain Chassaing

Même si Bagneux a l’honneur d’accueillir le tout premier concert des Boogiematics, les membres de ce nouveau groupe ne sont pas des inconnus : Agathe Sahraoui (chant), Pascal Fouquet (guitare) et Thomas Troussier (harmonica) sont des anciens des Bluetones, alors que Abdel "B. Bop" Bouyousfi (contrebasse) et Pascal "Junior" Delmas (batterie) composaient la section rythmique de Rosebud Blue Sauce. Même si son anglais apparaît parfois perfectible, Agathe dispose d’un timbre clair, caractérisé par une puissance qui passe sans effort. L’ensemble est particulièrement à l’aise dans le registre jump blues, et le swing trouve aisément son chemin grâce à l’apport de la rythmique impeccable de souplesse. La formation prend de l’assurance au fur et à mesure du concert, s’aventure dans plusieurs directions, blues percutant (Got to find my baby) ou lancinant (Nobody’s fault but mine, une lecture originale), gospel (Glory, glory, hallelujah), rock'n'roll (Dry up baby), ce dernier permettant aux solistes (harmoniciste, guitariste et contrebassiste) de livrer des tours de force pleins d’envie et de fougue. Sur la base de cette première déjà bien aboutie, nul doute que les Boogiematics n’auront aucun mal à s’affirmer.

Soutenu par le groupe efficace du fin guitariste Jean-Pierre Duarte (Ludovic Binet au piano, Jean-Marc Despeignes à la basse et Marty Vickers à la batterie), Eddie C. Campbell est de retour sur les scènes françaises après une absence d’une quinzaine d’années. Premier constat, à 70 ans, le vétéran de Chicago n’a rien perdu, notamment vocalement, et sa voix pleine un peu traînante fait merveille d’emblée. Côté répertoire, tout y passe, qu’il s’agisse de compositions (King of the jungle, That’s when I know), de reprises qu’il triture au point de les rendre méconnaissables (The blues is alright funky et speedée, Summertime tendance reggae ! ) ou de classiques de son cher West Side qu’il relit avec ferveur (All your love). Il aurait peut-être pu nous épargner une redite moins personnelle de The blues is alright et le medley final a traîné un peu en longueur, mais ce show original a bien mis en avant les facettes d’un bluesman unique.


Eddie C. Campbell © Alain Chassaing

Allons, la chronique d’un concert de Campbell ne peut finir ainsi… Car il y a la guitare. Je n’avais jamais vu Eddie. À l’écoute de ses disques, je me suis toujours demandé comment il s’y prenait pour faire claquer ses notes comme autant de coups de fouets. En le voyant, j’espérais bien comprendre. Eh bien, je ne suis pas sûr d’avoir compris. D’abord, je ne sais pas comment il fait pour ne pas casser une corde toutes les cinq minutes quand il vient l’attaquer par en dessous pour obtenir ce fameux claquement sec. Ensuite, difficile de comprendre qu’il puisse enchaîner les solos en remontant ainsi les cordes de l’aigu vers le grave, c’est totalement "antinaturel" ! Enfin, j’ai du mal à croire (admettre ?) que l’on puisse imaginer autant de trouvailles à la guitare rythmique, entre autres à l’aide de longs allers-retours glissés sur les cordes graves. Ceci dit, ne voyez pas là une parenthèse technique de ma part, car si je n’ai pas tout compris, c’est peut-être justement parce que je ne suis pas guitariste… Ou alors, c’est parce qu’Eddie C. Campbell joue comme personne. C’est tout simplement énorme, ça ne s’explique ni se comprend, et c’est tant mieux.


Zac Harmon © Alain Chassaing

Pour sa quarantième édition, le Chicago Blues Festival propose un casting composé d’artistes… californiens et texans ! Le premier d’entre eux, Zac Harmon, peut-être irrité par le retard pris par le concert précédent, décide de passer en force. Showman justement reconnu, chanteur manquant un peu de souplesse mais guitariste intense, il nous agresse à coups de standards (Rock me, I got a woman). Certes, il a de l’énergie à revendre, la section rythmique est de premier ordre (son batteur sait se servir de ses cymbales !), mais on respire un peu quand il ralentit le tempo (Bluebird). L’arrivée d’un autre guitariste-chanteur, Gregg Wright, plombe soudain l’ambiance, genre effet choucroute avalée trop vite qui entreprend une lente remontée. Franchement, il a beau avoir eu son heure de gloire en 1984 lors du Victory Tour au sein des Jackson (oui, avec Michael !) à quoi ça sert de jouer aussi fort, de tartiner des chorus étouffants agrémentés (sic) de reverb ? Diunna Greenleaf est de loin la plus convaincante malgré une formule qui ne lui laisse guère le temps de s’exprimer (Backdoor man, I cried like a baby, Mixed up) et on rêve de revoir un jour cette magnifique chanteuse avec cette fois son groupe régulier de Houston, ce Blue Mercy emmené par le génial Jonn Richardson à la guitare… Bref, un cru moyen côté CBF, mais entre la découverte d’un groupe français talentueux et la prestation de l’incroyable M. Campbell, ça valait largement le déplacement.
Daniel Léon