Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Aulnay All Blues s'étend sur toute une semaine et mêle concerts, animations, conférence, film et même karaoké ! Nous nous sommes réservés pour les deux concerts proposés au théâtre Jacques Prévert.
Le 20 novembre, la soirée s'ouvre par une création se voulant un hommage à “L'esprit de Louis Armstrong”. Le saxophoniste Bruno Wilhelm, déjà responsable des arrangements de l'Heritage Blues Orchestra, semble en être le concepteur. Malheureusement, il laissa la bride sur le cou au bassiste, Bill “The Buddah” Dickens, et au batteur, Jamal Batiste, dont l'objectif semblait être de mettre en valeur une technique, certes brillante, mais vite lassante quand elle n'est pas au service du collectif. L'esprit de Louis Armstrong, ce n'était pas là qu'il fallait le chercher, mais bien dans le Hot 8 Brass Band.
Ce brass band de La Nouvelle-Orléans s'inscrit dans la tradition réactivée par le Dirty Dozen. Le Hot 8 s'impose aujourd'hui comme la formation du genre la plus créative et la plus pêchue. Il reste un authentique “marching band” (avec percussions ambulatoires !) à l’énergie bien maîtrisée derrière un côté foutraque éminemment sympathique. La section de cuivres, emmenée par Alvarez Huntley (chanteur-trompettiste-MC), fait preuve de cohérence dans les ensembles, sachant stimuler le soliste du moment (que la sono sut toujours mettre en valeur). Au bout d'une heure trop courte, au son de When the saints, tous (musiciens et public) prirent la direction du hall où la fête se prolongea encore un peu.
Hot 8 Brass Band © Gilles Lasselin
© Gilles Lasselin
© Gilles Lasselin
© Gilles Lasselin
Samedi 23 novembre, ceux qui firent le choix d'assister, à 19 heures, à l'“Apéro blues” ne le regrettèrent pas. D'abord parce que le buffet était bien sympathique, mais surtout parce que Julien Brunetaud, en solo, présenta un joli florilège du piano blues de Chicago. Commentant avec érudition des pièces choisies d'Otis Spann (sa grande influence), Champion Jack Dupree, Big Maceo, Roosevelt Sykes ou du Big Three Trio, Julien faisait aussi un retour à ses sources d'inspiration, avec toute la finesse et le feeling dont il est capable.
Après Soul Bag qui célébrait le centenaire de la naissance de Muddy Waters cet été, Aulnay All Blues rendait aussi hommage au “père du Chicago blues électrique” en sollicitant une nouvelle fois le Living History Band avec John Primer aux avant-postes. La légitimité de Primer est évidente : il fit partie de la dernière formation du maître et a su profiter de cette proximité musicale. Son jeu de guitare à la slide en porte l'empreinte indélébile. Fort habilement, le concert commence par la projection d'un extrait du concert de Muddy à Newport en 1960, où il interprète Got my mojo working et danse avec James Cotton ! Sur scène, l'orchestre enchaîne avec Mannish boy, suivi de I'm ready et King bee. C'est du pur Chicago blues, bien compact ; le groupe est cimenté par la batterie de Kenny Smith.
John Primer © Christophe Ubelmann
Johnny Iguana, John Primer, Matthew Skoller © Christophe Ubelmann
Au moment où l'on commence à regretter une certaine uniformité de tempo, Primer s'efface pour faire place à Norma Jean Wallace. Elle commence tout (trop) en force avant de trouver le ton juste sur 40 days & 40 nights et Baby please don't go. Billy Flynn, jusqu'alors réduit à la guitare rythmique, peut enfin se lâcher tandis que l'harmonica de Matthew Skoller, égal à lui-même, c'est-à-dire brillant, densifie le tout. Lorsqu'il revient, John Primer propose un intermède bienvenu avec Rollin' and tumblin' et surtout Louisiana blues, avant de conclure d'un solide Hoochie coochie man et, lors des prolongations, The blues had a baby et Mojo. Du bon, du solide, du pro. Manquait peut-être une touche de variété, d'improvisation qui aurait rendu cet hommage plus vivant. Le spectacle est appelé à durer jusqu'en 2015 (quand il sera donné au Chicago Blues Festival). Après cette première déjà substantielle, il a le temps de s'étoffer, de s'enrichir. Il ne faudra pas manquer les futurs développements.
Jacques Périn
© Christophe Ubelmann