;
Live reports / 04.03.2016

Anderson .Paak

Et une autre Bellevilloise bondée. Moins d'une semaine après une première date à guichets fermés, Anderson .Paak revenait faire chavirer le petit club de la rue Boyer. Le nom de ce trentenaire californien semble être désormais sur toutes les lèvres, et pas seulement parce qu'il est la principale caution soulful du troisième blockbuster de Dr. Dre (“Compton”). Son tout récent “Malibu” (Steel Wool / Membran) est d'un niveau tel qu'on peut déjà dire qu'il comptera parmi les albums marquants de 2016. Une mixture hip-hop, soul, R&B de haut vol délivrée avec une liberté de ton qui interpelle. En vrai sur les planches, aucun problème pour retrouver le charisme du monsieur. Casquette vissée sur le crâne, micro au poing, DJ en soutien, Paak entame son set en exposant l'intensité de son flow : aplomb imparable, diction limpide, tournures chantantes… et ancrage dans un groove festif très West Coast (The waters met rapidement la barre assez haut en la matière). Du solide et du dynamique, à l'image de la façon dont il occupe la scène et capte l'attention de son public.   

 


© DR

 

Pas d'entrée fracassante quand le chef appelle le reste de son groupe à la rejoindre. Et pour cause, les renforts ne sont que deux, un guitariste et un bassiste. L'ajout n'est certes pas négligeable, surtout le groove bien épais qui jaillit des quatre cordes du gringalet moustachu, mais paraît un peu léger. Heureusement Paak change rapidement de braquet au détour d'un couplet. Le voilà assis à la batterie pour lancer la seconde partie de l'excellent The season/Carry me. Sa frappe incisive – avec l'assurance manifeste d'un type qui a mis le pied dans la musique en battant à l'église – trouve un évident terrain d'entente avec sa verve rappée-chantée. Il reviendra aux baguettes à plusieurs reprises, en showman consommé sans toutefois céder à la démonstration. Il s'agit avant tout de propulser son répertoire déjà consistant, en très grande partie issu de “Malibu” et saupoudré entre autres de quelques touches de “Venice” (l'album précédent, moins abouti). Am I wrong et son imparable pulsation funk 80's fera évidemment son effet en milieu de set, tout comme les très accrocheurs Without you et Parking lot. C'est sur ces rives soul que Paak semble faire la différence et trouver sa voix plus personnelle (son rap est peut-être encore trop proche de la matrice Kendrick Lamar). Alors on oublie le côté expéditif de la prestation (formation minimaliste, titres souvent tronqués, courte durée) pour en retenir la fougue contagieuse. Et pour pallier l'absence regrettable de Room in here, on se régale du The bird en rappel, l'un des titres les plus marquants de “Malibu” et une sacrée tranche de soul d'aujourd'hui. Oui, on imagine aisément ce que pourrait donner une prochaine venue dans une grande salle avec un groupe étoffé. Anderson .Paak n'est plus un secret bien gardé et il a devant lui de belles années.

Nicolas Teurnier

 


© DR