Jean Knight (1943-2023)
27.11.2023
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Je me souviens clairement de notre première rencontre, un samedi après-midi dans les années 1960 au Golf Drouot, quartier général des « rockers », lecteurs de Disco-Revue. Je devais avoir seize ans, et lui deux de moins. Depuis, nos routes ne se sont jamais séparées. Bien sûr, c’est la musique qui a scellé notre amitié mais notre complicité allait bien au-delà. Musique donc, le rock ‘n’ roll des pionniers, et tout particulièrement de Chuck Berry et Little Richard, puis la découverte du blues et de la soul, intimement mêlés. Très vite, Alain développa une admiration particulière pour James Brown, mais sans pour autant négliger T-Bone Walker rencontré à Paris aux Trois Mailletz. Il était de tous les concerts parisiens et les festivals furent aussi sa grande affaire. C’est grâce à celui de Montreux qu’il rencontra sa femme Michelle. Celui de Porretta devint sa destination obligée de l’été, dans cette Italie qu’il aimait tant.
Alain avait aussi une prédilection pour le R&B et le funk de New Orleans et nous y avons passé d’incroyables moments. Lorsque la maladie a réduit ses déplacements, nous avons encore pu partager de bons moments à La Charité, à Calais et Grande-Synthe. Il avait pris goût à la photo et ses clichés illustraient les comptes rendus des concerts. Mais son engagement dans Soul Bag est allé bien au-delà de ces photos et reportages, c’est en tant que trésorier du CLARB qu’il s’est impliqué sans compter. On l’oublie trop souvent, mais Soul Bag doit aussi à ceux qui œuvrent dans l’anonymat à des tâches ingrates, comme la gestion et la comptabilité. Ce n’est pas faire injure à ses prédécesseurs et successeurs de dire que c’est Alain qui s’est le plus longtemps et le plus complètement investi dans cette fonction, ne renonçant que lorsque la maladie l’y a forcé.
Autodidacte, mais incroyablement cultivé, il avait réussi professionnellement, sans jamais se compromettre ou renier ses convictions philosophiques et politiques. En relisant ces quelques lignes, je m’aperçois que je n’ai rien dit de son humour, de sa finesse, de sa générosité. Pour avoir été son ami, avoir partagé tant d’aventures et de mésaventures, je veux me souvenir de ces moments joyeux ou de franche rigolade, et de tous ces voyages avec nos épouses. Je n’ai pas beaucoup de mémoire, lui en possédait une prodigieuse. Et ça aussi va me manquer.
Texte : Jacques Périn
Photo d’ouverture : Alain Jacquet et Allen Toussaint © DR