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Live reports / 20.09.2018

Afropunk Paris

C'est dans la liesse de la victoire des Bleus, et après un DJ set afro-pop très efficace que démarre sans traîner le set de Trombone Shorty et ses musiciens. The craziest thing façon funk rock coup de poing pour capter l'attention dès le coup d'envoi. Showman complet, le tromboniste lâche parfois son instrument pour se concentrer pleinement sur le chant et ne manque pas non plus d'esquisser quelques pas à la James Brown. Si son guitariste donne dans la démonstration avec un solo de guitar-hero un peu poussif, son sax baryton en revanche balance des attaques incisives sur une rythmique bouncy avant d’enchaîner sur une version vitaminée de Here comes the girls

 


Trombone Shorty 

 

Trombone Shorty fait preuve d'une aisance et d'une versatilité rare, vrai maître de cérémonie et virtuose de son instrument quand il s’engage dans un chorus qui nous laisse bouche bée tant il témoigne d'une performance physique sans pour autant donner l'impression de se faire mousser. À peine le temps de reprendre son souffle que le prodige de La Nouvelle-Orléans et sa troupe installent un jazz funk psyché et laisse resurgir l'influence de Dr. John. Le groupe repart ensuite sur un terrain plus rock, on passe d'une couleur musicale à une autre sans vraiment s'en rendre compte. Autres temps forts : cette petite démonstration de breakdance du sax baryton, suivi de près d'une impro rappée (toujours le sax baryton) quelque peu déconcertante, mais l'ambiance est à la fête et l'enthousiasme ne s’estompe pas. En fin de programme la cocotte funk de Ain't no use électrise les corps avant que la formation ne quitte la scène comme elle y est entrée, déterminée à communier avec le public sans jamais flancher. 

 

 

Petite pause pour se désaltérer et retour dans la salle où le guitariste Gary Clark Jr et son groupe font chalouper le public avec des blues dansants qui ne sont pas sans rappeler Chuck Berry, avant d’enchaîner sur un blues rock avec slide saturée et inspiration hendrixienne. Si le musicien d’Austin est moins généreux que son prédécesseur, il n’en reste pas moins versatile et son blues peut très bien s’accommoder d’une teinte reggae le temps d’un morceau. 

 


Gary Clark Jr

 

Plutôt réservé sur scène, force est de constater qu’il maîtrise parfaitement ses titres longs et contrastés qui finissent en apothéose. Le guitariste-chanteur dompte aussi la soul et brille clairement sur une ballade où il utilise à merveille le falsetto. Après un autre interstice soul toujours très efficient mais plus relevé, la formation plonge dans un blues lent à nouveau en slide qui se pare d’un swing imparable, laissant de l’espace à un chorus bien senti pour le deuxième guitariste. Et quoi de mieux pour finir que Bright lights ? Ce titre phare prend toute son ampleur sur scène, là où ses digressions saturées se révèlent totalement enivrantes. Gary Clark Jr peut donner l’impression d’un guitar-hero trop sûr de lui, mais derrière cette arrogance peut-être trompeuse il y a une véritable éloquence et une emprise sur un blues rock qui change parfois d’aspect mais s’affirme toujours avec beaucoup de poigne. 

 

 

 

C’est devant un public plus nombreux que Maxwell fait son apparition sur scène, avec une veste vintage “Controversy Tour ‘81” sur le dos comme pour donner le ton. En effet, au-delà du clin d’œil, difficile de ne pas penser à Prince tant cette soul sexy et sophistiquée contient des réminiscences du Kid de Minneapolis. L’audience (féminine surtout) semble conquise d’emblée, il faut dire que l’homme a des tubes à l’épreuve du temps, il ne manquera d’ailleurs pas de faire remarquer que certaines personnes dans la salle n’étaient même pas nées à l’époque ou ses premières chansons venaient de sortir. À 45 ans, le chanteur de Brooklyn affiche certes un style un peu désuet (pantalon de jogging et longue chemise ouverte sur un corps musclé) mais chante avec la conviction des débuts. Et il demeure très bien entouré par un groupe expert en groove sémillant.

 


Maxwell

 

 

Entre des slow jams sucrés et efficaces, on prend plaisir à rebondir sur des chansons plus syncopées et pêchues, et quand Maxwell sort de son répertoire c’est pour rendre honneur au The lady in my life de Michael Jackson. Reconnaissant de recevoir un accueil aussi chaleureux après toutes ces années, le chanteur rappelle, un peu ému, que Paris fut une terre d’accueil pour les musiciens de jazz noirs à des périodes sombres de l’histoire américaine.  

Hugues Marly
Photos © Dennis Manuel