Le chanteur et accordéoniste Buckwheat Zydeco est donc décédé le 24 septembre 2016 des suites d’un cancer du poumon à l’âge de soixante-huit ans, privant la Louisiane de l’un de ces musiciens les plus emblématiques des trois dernières décennies. Né Stanley Dural, Jr. le 14 novembre 1947 à Lafayette dans une famille de treize enfants, il est vite affublé du surnom Buckwheat car il ressemble au personnage du même nom dans la série télévisée Our Gang (ou The Little Rascals). Bien que son père soit accordéoniste, il s’intéresse davantage au R&B et opte pour l’orgue. Dès la fin des années 1950, il se produit sur scène, et, au milieu de la décennie suivante, notamment avec l’accordéoniste Lynn August. Il forme en 1971 Buckwheat & The Hitchhikers, un groupe franchement orienté funk et influencé par James Brown, auquel Dural ressemble également physiquement.

En Belgique, 1984 ou 1985 © André Hobus

Rien ne semble le mener vers le zydeco, un style qu’il avoue alors ne pas aimer, jusqu’en 1976. Cette année-là, il accepte toutefois de jouer de l’orgue dans le fameux Red Hot Louisiana Band de Clifton Chenier. C’est la révélation, il apprend l’accordéon avec Chenier en personne, et en 1979, il fonde sa propre formation dans ce style, Buckwheat Zydeco Ils Sont Partis Band. Il enregistre ses premiers disques à la même époque, d’abord pour de petits labels, puis obtient deux nominations pour des Grammy Awards en 1983 (« Turning Point ») et en 1985 (« Waitin’ For My Ya Ya ») chez Rounder. En 1987, Buckwheat Zydeco signe chez Island, devenant ainsi le premier groupe de zydeco engagé par un « major », et « One Night Like This » est à nouveau nominé aux Grammys. Mais en cette année 1987, qui est aussi celle de la disparition de Clifton Chenier, Buckwheat va prendre le relais de son mentor et ouvrir cette musique à une audience planétaire. Son groupe apparaît ainsi sur la bande du film The Big Easy de Jim McBride, et Eric Clapton, impressionné par ses prestations, l’invite pour une tournée internationale…

San Francisco, 2008 © André Hobus

Fort de cette reconnaissance et grâce à sa musique qui mêle tradition et modernité, Buckwheat endosse le costume de chef de file du zydeco moderne, et son pays ne manque pas de l’honorer régulièrement. Présent lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques d’été Atlanta en 1996, il est également là lors des investitures de Bill Clinton en 1993 et 1997… Parallèlement, après sa rupture de contrat chez Island en 1990, Buckwheat ne retrouve pas d’engagement aussi avantageux. Mais cet artiste attachant qui n’a jamais cherché la notoriété continue sa carrière au service de sa musique, en séduisant les audiences et en réalisant des albums de qualité. En 2009, il sort chez Alligator « Lay Your Burden Down » (qui sera aussi son dernier), pour lequel il obtient enfin l’année suivante un Grammy Award qui vient couronner sa superbe carrière. Atteint d’un cancer du poumon en 2013, il ne cesse pourtant pas ses activités, lançant en particulier l’année suivante Buckwheat’s World, une série télévisée de six épisodes dans lesquels on le voit en public et chez lui au quotidien. Jusqu’au bout, il se sera donc efforcé de contribuer à la promotion de la culture et de la tradition louisianaise. Rien que pour ça, chapeau bas, monsieur Dural.
Daniel Léon

Chicago, 2008 © Brigitte Charvolin