;
Live reports / 27.02.2023

Dirty Dozen Brass Band + John Medeski “Mad Skillet”, Sons d’Hiver

Théâtre Romain-Rolland, Villejuif, 11 février 2023.

À quelques jours du Mardi Gras, le festival Sons d’Hiver bouscule le calendrier en proposant, dans le cadre chaleureux du théâtre Romain-Rolland de Villejuif, un beau double programme autour de La Nouvelle-Orléans. 

John Medeski, qui ouvre la soirée, n’est pas lui-même originaire de la Crescent City, mais son projet Mad Skillet, responsable d’un album en 2018, s’inspire des musiques de la ville et fait appel à plusieurs figures de la scène locale : Kirk Joseph, membre fondateur du Dirty Dozen Brass Band au sousaphone et Terrence Higgins, membre du Dirty Dozen dans les années 1990 et 2000, à la batterie, auxquels s’ajoute le guitariste Will Bernard

Si l’influence de La Nouvelle-Orléans est évidente, en particulier dans les rythmiques portées par Higgins et Joseph, le registre général relève plutôt d’un jazz rock fusionnant assez bavard – en particulier Will Bernard – et démonstratif, qui n’est pas aidé par le peu de communication avec le public du leader. Un beau Just a closer walk with Thee, occasion pour Kirk Joseph d’être enfin mis en valeur, rompt un peu la monotonie, mais l’ensemble peine à m’intéresser réellement – mais je suis en minorité et le public réclame et obtient un rappel. 

Le contraste pourrait difficilement être plus fort avec ce qui suit. En plus de quatre décennies d’existence – Gregory Davis parlera de la 46e année de vie du groupe –, le Dirty Dozen Brass Band a vu sa composition évoluer à plusieurs reprises. Trois membres fondateurs sont encore de la partie – Kirk Joseph, qui sera étonnamment en retrait une bonne partie de la soirée, Gregory Davis et Roger Lewis – renforcés par des membres plus récents, Trevarri Huff-Boone au saxophone, Stephen Walker au trombone, Julian Addison à la batterie et Takeshi Shimmura à la guitare. 

Là où certains de leurs homologues – comme le Rebirth Brass Band – semblent bloqués dans une formule un peu vieillissante, la présence au sein du Dirty Dozen de “sang neuf” a clairement pour effet de dynamiser l’ensemble. Ça n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si Takeshi Shimmura est un ancien de la Funky Nation de Big Sam et s’il a enregistré avec les Soul Rebels, tant son jeu dynamique et propulsif, tant en rythmique que lors de ses quelques solos, enrichit le son global. Quant à Julian Addison, installé derrière un kit spectaculaire, il assure le show à coup de lancers de baguettes – quasiment toutes rattrapées ! – et offre un long solo inspiré qui permet à ses collègues de prendre une pause bien méritée.

Dépourvu d’actualité discographique depuis maintenant dix ans, c’est dans ses classiques que plonge le groupe, qui ouvre avec un titre de son premier album, Do it fluid, et inclut dans son programme des standards du genre, de When the saints (avec un clin d’œil aux Saints, l’équipe de football américain locale dont Kirk Joseph arbore fièrement les couleurs, et au chant Who dat? des supporters) à Hey pocky way en passant par un Go to the Mardi Gras joliment sifflé par Lewis, mais aussi un hommage à James Brown, avec un medley Sex machine/Superbad qui ne perd pas pour autant son ancrage louisianais. 

Seul manque au répertoire Feet don’t fail me now, mais personne ne songerait à s’en plaindre : l’ambiance est clairement à la fête, et Gregory Davis demande dès le second titre à ce que soient allumées les lumières de la salle et à ce que tout le public se lève ! L’appel est entendu et, de fait, une bonne partie des spectateurs passera la soirée à danser… Il faut dire que les musiciens, historiques comme nouveaux venus, donnent leur maximum, qu’il s’agisse des solos ou du jeu de scène – Roger Lewis allant même jusqu’à se lancer dans un concours de danse avec une spectatrice invitée à le rejoindre sur scène !

Habitué des scènes françaises et des festivals, le groupe, qui laisse rarement passer plus d’une année sans tournée européenne, ne semble pas décider à ralentir le rythme, et son absence prolongée des studios d’enregistrement n’a pas entamé son enthousiasme et sa puissance scénique. Si seulement cela pouvait durer… 

John Medeski, Will Bernard, Kirk Joseph, Terrence Higgins

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

Dirty Dozen Brass BandFrédéric AdrianJohn Medeski "Mad Skillet"Sons d'Hiver