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Live reports / 22.09.2022

Kevin & The Blues Groovers, New Orleans Festival, Innsbruck

21-24 juillet 2022.

Ceux qui suivent de près l’actualité musicale de La Nouvelle-Orléans ont sans doute déjà repéré un de ses jeunes talents, Kevin Gullage. Accompagné de ses Blues Groovers, il se produisait notamment, en résidence au B.B. King’s Blues Club installé dans le French Quarter. À 23 ans, Kevin compose, joue du piano, du mélodica et chante d’une voix qui semble venue d’une autre époque, « une âme ancienne », s’exclamait le jury d’American Idol auquel il a participé l’hiver dernier. 

Pour sa première venue en Europe, en tête d’affiche du New Orleans Festival d’Innsbruck en Autriche, Kevin Gullage présente un répertoire d’une grande variété. Mais s’il y a un genre dans lequel le jeune homme semble parfaitement s’identifier, c’est bien celui du blues, qu’il compte faire découvrir au plus grand nombre avec son album “Something Old, Something New, Something Borrowed  Blues” sorti le 15 juillet dernier chez Basin Street. Intention qui semble réussie face à l’accueil enthousiaste et chaleureux du public, de tout âge et de tout horizon, venu faire la fête dans la capitale tyrolienne. À chaque prestation, les bien nommés Blues Groovers distillent en effet ce je-ne-sais-quoi qui vous oblige à taper la mesure du pied et remuer la tête… Un groove insensé.

Composé de musiciens expérimentés : Tony Gullage à la basse (directeur artistique du groupe, également père de Kevin), Brandon Adams à l’orgue ainsi que Carlton Ross à la guitare. Ils ont été rejoints par Jamal Baptiste à la batterie et par le saxophoniste autrichien Raphael Huber, Mike Harris et Roderick Jackson n’ayant pas pu faire le voyage. En dépit de l’absence de ces deux membres originaux, les Blues Groovers ne failliront pas à leur mission et proposeront un show sacrément énergique : les musiciens ne sont clairement pas là pour faire de la figuration derrière la vedette ! 

Lors de la soirée d’ouverture du festival, le jeudi 21 juillet, Kevin participe à la Tyrolien Blues Night. Accompagné par des chanteurs et musiciens locaux dont le Markus Linder Band (la scène blues autrichienne est assez impressionnante), il entonne un énergique The blues is alright ainsi que l’une de ses compositions personnelles, Blues for the city, et déjà le public autrichien s’enflamme au rythme de ce shuffle endiablé. Cela était de bon augure pour la suite des évènements. 

Le lendemain soir, Kevin & The Blues Groovers devaient en effet se produire sur cette même grande scène de la Landhausplatz. Un orage s’invitant au programme, le groupe décida de s’abriter sous la devanture d’une vitrine d’un magasin pour improviser a cappella une série de chansons dont I can’t sand the rain, clin d’œil de circonstance. Une centaine de personnes, agglutinées sous leurs parapluies, refusant de partir, chantaient à tue-tête, en chœur avec le groupe. Moment suspendu, parfaite communion… avant l’annonce officielle de l’annulation de la soirée. 

Qu’à cela ne tienne ! Le samedi, Kevin & The Blues Groovers peuvent enfin déployer sur scène toute leur énergie et leur talent lors d’un concert de plus de deux heures au rythme parfaitement équilibré. Des standards du blues y sont largement revisités : Sweet home Chicago, Ain’t nobody business if I do, ou encore un sublime The thrill is gone durant lequel Kevin illustre particulièrement son don pour la communication, sur scène avec ses musiciens, notamment avec Carlton Ross avec lequel il se lance dans un enivrant dialogue piano-guitare, mais également avec le public qu’il interpelle régulièrement. L’ambiance monte d’un cran quand justement il invite trois jeunes femmes du public à le rejoindre pour danser sur Jambalaya on the bayou. Et l’émotion dans le public semble à son comble lors d’une vibrante reprise  de The house of the rising sun ou de Have I told you lately that I love you durant laquelle une large place est faite au saxophone. 

Kevin Gullage
Carlton Ross, Brandon Adams, Jamal Baptiste, Kevin Gullage, Tony Gullage, Raphael Huber

Il fallait vite se remettre de ce concert, car dès le dimanche matin, sous une chaleur écrasante digne d’un été louisianais, nous retrouvions le groupe sur la Landhausplatz pour un Gospel Brunch dont le public ne perdra pas une miette ! What a wonderful world, Amazing grace, Love train… Kevin interpelle son organiste : « Brandon, transporte-nous à l’église ! » Et hop!, la foule se sent comme téléportée dans une paroisse noire du sud des États-Unis. Sur une version assez originale de When the Saints go marching in, Kevin saisit son mélodica et parcourt le public, improvisant ainsi une second line délirante. Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises, Kevin & The Blues Groovers ne tombent pas dans le “folklore”. Leur version de I can only imagine de MercyMe témoigne de la qualité des arrangements proposés par le groupe, et le chant tout en nuance de Kevin, qui monte progressivement en puissance, enrobé par les chœurs de ses musiciens, rend cette reprise bouleversante. 

Le dimanche soir, c’est au Congress à Igls, en banlieue d’Innsbruck, que le groupe clôture le festival au cours d’une “Farewell Party” plus intimiste. Une fois encore, le public autrichien tombe sous leur charme, le devant de la scène se transforme en piste de danse, une véritable fête dont personne ne semblait vouloir la fin.  

Cette première rencontre avec le public européen a permis à Kevin & The Blues Groovers non seulement d’incarner l’esprit musical de La Nouvelle-Orléans, mais également de se présenter comme un solide nouveau groupe de la scène blues internationale. Gageons qu’ils seront vite de retour sur le vieux continent. 

Texte et photos : Elina Orjol

Carlton Ross, Brandon Adams, Kevin Gullage, Tony Gullage, Raphael Huber