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Live reports / 23.09.2021

Mécleuves Terre de Blues 2021

Les fidèles du festival attendaient sa reprise depuis deux ans et n’ont pas été déçus : l’édition 2021 de Mécleuves Terre de Blues a tenu toutes ses promesses avec un plateau et une ambiance propres à les mettre dans les meilleures dispositions.

3 au 5 septembre 2021.

Nous sommes en fin d’après-midi le vendredi 3 septembre et le site du festival, situé sur la commune de Lanceumont, se remplit petit à petit. Dès les balances un peu plus tôt, on a pu sentir l’excitation de tout le monde. Les sourires qui s’échangent quand les uns et les autres se retrouvent dans l’enceinte du festival confirment que la joie de se retrouver dans le cadre de cet événement est grande.

En prévision de cela et aussi pour se donner plus de souplesse vis-à-vis des contraintes sanitaires, la surface du site et la grande tente ont été augmentées, sans rien perdre de ce qui fait la convivialité de l’événement. Les stands de restauration sont là, avec les réputés MTB burgers et saucisses blanches, les tables pour manger, les espaces d’exposition des partenaires, disquaires, fabricants d’instruments et d’objets divers, commerce équitable, associations.

Pour la musique, le programmateur Nico Vallone a reporté l’affiche qui devait être celle de 2020, avec des artistes venus majoritairement de France mais aussi d’Allemagne.

Tout commence en fin d’après-midi avec la mini fanfare Blues Note Brass Band qui déambule au milieu du public, tuba, trompette, saxophone, banjo, caisse claire et chant.

C’est ensuite le groupe nancéien Charles Desprès & the Midnight Creepers qui ouvre la petite scène, avec un blues élégant, joué avec conviction et un bon sens du spectacle puisque le répertoire mélange toutes sortes de blues, jump, Chicago, Nouvelle-Orléans. Charles est un fin guitariste comme il le montre sur les instrumentaux d’ouverture. On reverra le groupe à chaque changement de plateau de la grande scène.

Celle-ci va démarrer au plus haut niveau avec Awek. C’est bon de retrouver l’ambiance des festivals mais c’est encore meilleur quand c’est avec ce groupe référence. Comme déjà écrit dans ces colonnes, pas de bonne année blues sans un concert ou un disque d’Awek. En 2021 nous aurons donc les deux. Il faut du talent pour rester frais et dynamique pendant toutes ces années sans lasser. Bernard Sellam est le leader au chant et à la guitare et puise dans le répertoire immense du groupe pour déclencher des séquences bouillantes que Stéphane Bertolino orne de solos d’harmonica venus d’ailleurs, pendant que Joël Ferron à la basse et Olivier Trébel à la batterie entretiennent inlassablement les rythmes les plus entrainants. Qu’ils reprennent leurs propres titres ou ceux des autres, ils savent nous surprendre comme avec ce titre rapide en hommage à B.B. King, le rock & roll I can’t stop crying, l’instrumental à la Watch your step, ou le terrible The snake boy avec les riffs évoquant Mannish boy et Little red rooster. Le public leur fait un triomphe et c’est mérité.

En interscène, on apprécie le blues I don’t want to be a politician de Charles Desprès et les Midnight Creepers.

La grande scène est encore chaude quand Elise & the Sugarsweets l’investissent et elle va le rester. Yulia-Elise est remplie d’énergie et prend le répertoire à son compte, d’une voix puissante et autoritaire. Olivier Raymond à la guitare, Bala Pradal aux claviers, les frères Ferrie à la rythmique, et deux cuivres en appoint sur certains morceaux, c’est une sacrée formation qui égrène ses compositions et des reprises choisies chez Etta James, John Németh et autres personnalités fortes. Les solos de guitare sont tranchants, le piano apporte une jolie couleur qui pourrait être plus présente, la rythmique est solide, là encore le public est ravi.

La soirée va magnifiquement s’achever avec Flyin’ Saucers Gumbo Special. Fabio Izquierdo, chant, harmodéon et harmonica, Cédric Le Goff, chant et claviers, Lucas Gautier, guitare, Charlie Duchein, basse, et Stéphane Stanger, batterie, sont au taquet et ça s’entend tout de suite. Ils nous embarquent à bord du Zydeco train et nous n’en redescendrons pas, ce sera Nothin’ but a party en buvant du Moonshine. Le groupe est accompagné à l’occasion des frères Tarot, Mathieu à la trompette et Jean-Baptiste au saxophone, tous deux présents sur le dernier disque, dont le répertoire sert d’ossature au set, et prêts à ajouter des étincelles au feu d’artifice général. Quand Fabio laisse le micro chant, c’est Cédric qui le prend de façon impressionnante, en vrai chanteur rhythm and blues et soul qu’il est devenu, en plus d’être un malicieux ambianceur. Le premier rappel sur She’s about a mover de Sir Douglas Quintet avec Nico Vallone à l’harmonica et Olivier Raymond à la guitare est endiablé, mais le groupe n’en reste pas là et envoie à suivre I’m a hog for you baby des Coasters chanté par Fabio dans son micro bullet avant que tous se retrouvent au bord de la scène pour un final a cappella.

Elise & the Sugarsweets
Flyin’ Saucers Gumbo Special
Flyin’ Saucers Gumbo Special, Nico Vallone & Olivier Raymond

Le lendemain dimanche est lancé par Muddy Gurdy. Programmés sur la scène extérieure, ils vont attirer autant de monde que s’ils l’avaient été sur la grande tant leur musique est originale et prenante. Le blues est bien là mais les apports régionaux lui donnent une dimension unique. Certes, il y a la fameuse vielle à roue de Gilles Chabenat et ce son venu du tréfonds des âges, mais elle est indissociable des percussions hybrides de Marco Glomeau, des accords de guitare éraillés de Tia Gouttebel et de son chant habité. Compositions originales, reprises de de chants religieux, hommage à Jessie Mae Hemphill, le répertoire est bien agencé pour mettre les spectateurs en mouvement.

Il faut se précipiter au pied de la grande scène pour ne pas rater l’entrée de Bonita & the Blues Shacks. C’est d’abord le groupe seul qui propose deux titres de son west coast jump blues millésimé, avec Michael Arlt au chant à l’harmonica, son frère Andreas à la guitare, Fabian Fritz aux claviers, Henning Hauerken  à la basse et Andre Werkmeister à la batterie. Ils sont à fond et c’est ce qu’on veut. Ils vont se donner plus encore quand la chanteuse Bonita Niessen les rejoint. He made a woman out of me chante-t-elle, et qui que “he” soit, “he” a bien fait. C’est une excellente meneuse de revue, qui va prendre la scène à son compte et ne plus la lâcher sauf dans les séquences où elle feint de se disputer avec Michael au chant. Reprises de Freddie Waters ou Joe Liggins, compositions originales, jeu de scène, le show est réglé au millimètre, sans perdre son naturel et sa spontanéité. Andreas multiplie les solos références, Michael fait de même à l’harmonica, mais avec une parcimonie frustrante. Bonita et lui repartent en duo tragi-comique mais se réconcilient sur une belle balade soul. Superbe !

L’interscène est assurée par Ronan One Man Band & Marko Balland, avec Pascal Blanc à la basse, ce qui donne plus de puissance et de beat à la musique du duo, en apportant même un peu de rondeur. Qu’on se rassure, leur boogie blues à voix de rogomme, harmonica extraterrestre et guitare farouche est toujours là et plus fort que jamais.

Le deuxième concert de la soirée sur la grande scène est dévolu aux Lowland Brothers. Porteurs d’un projet ambitieux, Nico Duportal, chant et guitare, et ses compagnons, Hugo Deviers, guitare et percussions, Damien Cornélis, claviers, Max Genouel, basse et Fabrice Bessouat, batterie, accompagnés à l’occasion des choristes Laurence Le Baccon, Barbara Belmonté et Julie Dumoulin, tous déjà vus la semaine précédente aux Rendez-Vous de l’Erdre de Nantes, le défendent avec brio. Répertoire original, compositions fortes, musiques construites de façon réfléchie à chaque morceau, il faut guetter les riffs d’Hugo à la guitare, c’est un véritable univers dans lequel le groupe nous invite à pénétrer. Et nous y allons, au rythme de Sunburns in december, Love rains over me, Melania, l’hymne Keep on keepin’ on. On peut juste regretter de ne pas mieux entendre la guitare de Nico Duportal, un peu noyée dans la richesse sonore de l’ensemble. La clôture est superbe avec Rolling man.

Retour au boogie blues de Ronan One Man Band et Marko Balland, une bière La Licorne à la main, avant de se masser à nouveau au pied de la grande scène pour Boney Fields et son orchestre. D’une élégance rare, l’homme au chapeau melon et aux tresses propose une recette simple : du funk à fond et on tape dans ses mains au rythme de ses « clap your hands ! » qui ponctuent, geste à l’appui, chacune de ses apostrophes au public. Jo Champ à la guitare, Pierre Chabrele au trombone, François Faure aux claviers, Zou à la basse et Bruno Pimienta à la batterie, le band est affûté, les riffs sont tranchants et jaillissent aux bons moments, les musiciens se rassemblent ou s’écartent, entraînant le public dans le mouvement, c’est un show incandescent. Même lorsqu’il propose astucieusement du blues, il le fait à sa façon, en gros shuffle funky, riffs de cuivres en avant, secondé par l’incontournable Nadège Dumas au saxophone, et le reste du groupe. Les titres se succèdent sans pause jusqu’au final où l’orchestre est rejoint par Nico Vallone à l’harmonica. La nuit est déjà bien avancée mais on ne l’a pas vu venir.

Il faut encore saluer la qualité de l’accueil, de la programmation, en se disant qu’on remet ça dans un an !

Texte et photos : Christophe Mourot

Christophe MourotfestivalMécleuves Terre de Blues