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Hommages / 14.08.2021

Roy Gaines (1937-2021)

Blues, jazz, R&B, rock ’n’ roll, soul, funk : Roy Gaines a traversé, au cours d’une carrière qui couvre presque sept décennies, l’ensemble des nuances des musiques afro-américaines, tout en restant fidèle à l’héritage de ses inspirations de jeunesse, au premier rang desquelles trône T-Bone Walker.

Né dans la petite ville de Waskom, à la frontière entre le Texas et la Louisiane, Roy s’installe avec sa famille – y compris son frère aîné Grady, qui fera également une brillante carrière en tant que saxophoniste – à Houston alors qu’il a six ans. À peine adolescent, il se fait remarquer en tant que guitariste sur la scène locale, au point d’être invité à croiser le fer avec T-Bone Walker alors qu’il n’a que quatorze ans. Sa réputation est telle dans les clubs de la ville qu’il ne tarde pas à rejoindre les rangs de l’orchestre du saxophoniste Bill Harvey dans les studios du redoutable Don Robey. Il y accompagne les artistes Peacock : Bobby Bland (It’s my life baby, où Bland s’écrie : « Play that guitar, baby! »), Big Mama Thornton, Junior Parker… Il lance en parallèle sa carrière personnelle avec une série de single entre rhythm and blues et rock ‘n’ roll pour Groove, DeLuxe et RCA, sans grands résultats malgré le soutien de John Hammond, qui tente de convaincre Columbia de soutenir sa carrière. C’est donc comme musicien de scène et de studio qu’il travaille essentiellement dans les années suivantes et jusqu’au milieu des années 1970.

À l’aise dans tous les registres, il enchaîne les séances aussi bien dans le blues (Brownie McGhee, Albert King…) et le R&B (Chuck Willis…) que dans le jazz (Jimmy Rushing, Coleman Hawkins, Hugh Masakela, les Jazz Crusaders…) tout en participant à des enregistrements d’artistes Motown après le déménagement du label à Los Angeles. Il intègre aussi dans les années 1960 l’orchestre de Ray Charles, qui enregistre sa composition No use crying. Il doit attendre 1975 et une tournée française aux côtés de l’organiste Milt Buckner (à l’occasion de laquelle Soul Bag publie sa discographie) pour enregistrer à nouveau sous son nom, avec l’album “Superman”, qui paraît sur Black & Blue en 1975. 

Roy Milton, Eddie Locke, Carrie Smith, Jimmy Slyde, Roy Gaines. Harlem Swing 1977, Nîmes. © Brigitte Charvolin
Châteauneuf-du-Pape, 1983 © Brigitte Charvolin

Après un deuxième album “européen” au début des années 1980 (“Gaineling” sur Red Lightnin’), il bénéficie d’un coup de projecteur bienvenu quand il participe en 1985 à la bande originale du film La Couleur Pourpre sous la direction de Quincy Jones et publie dans la foulée l’album “Going Home To See Mama” sur son propre label, Black Gold Records. Il fait partie du groupe de luxe qui accompagne le concert de prestige qui réunit Fats Domino, Jerry Lee Lewis et Ray Charles à La Nouvelle-Orléans en 1986 et collabore avec son frère sur le premier album de Grady Gaines & The Texas Upsetters.

Sa carrière personnelle s’accélère à partir du milieu des années 1990, avec une série d’albums généralement bien reçus pour Black Gold et d’autres labels : JSP, Groove Note, Severn, P-Vine… Parmi ses plus grandes réussites discographiques figurent “Bluesman For Life” et “Tuxedo Blues”, son dernier album majeur pour lequel il reçoit le prix du meilleur album 2010 dans la catégorie blues par l’Académie du Jazz et monte un big band avec lequel il tourne régulièrement, y compris en Europe.

Dans les années 1990, il ouvre son propre club, Gainesville, sur Crenshaw Boulevard à Los Angeles, dont il s’occupe pendant une dizaine d’années. Il est par ailleurs un habitué des clubs et festivals européens, et un premier album live, “In the House”, a été gravé en 2001 au festival blues de Lucerne, tandis qu’une partie de “The War Is Over” provient de concerts parisiens. Il se produisait encore jusqu’en 2020, mais sa dernière tournée française remontait au mois d’octobre 2015.  Il avait fait la une de Soul Bag à l’été 2000 et été interviewé dans le magazine dans les numéros 201 (janvier 2011) et 216 (janvier 2016) – c’est d’ailleurs une photo extraite du magazine qui servait de photo de profil à l’une de ses pages sur les réseaux sociaux ! 

Frédéric Adrian
Photo d’ouverture : Orange, 1975 © Brigitte Charvolin

2009 © DR
Brigitte CharvolinFrédéric AdrianRoy Gaines