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Live reports / 15.11.2017

Tremplin Blues sur Seine

Le fameux tremplin mantais a une nouvelle fois laisser parler le talent de six finalistes, sélectionnés cette année parmi une quarantaine de candidatures. Tour d’horizon d’une après-midi de concerts.

Il s'avance seul pour inaugurer cette dix-neuvième édition. Mais, de Bayonne, Kepa est venu accompagné de son sens de la mise en scène. Le filament incandescent d'une ampoule tient la chandelle pendant que fine moustache, humour et chemise à fleur pavanent devant un micro vintage. L'harmo en rack (ou d'une seule main), la dobro qui gratte (ou qui slide, avec l'harmo !), le pied qui tape, Kepa sait tisser un climat, une ambiance, bluesy et/ou rocknrollesque. Seulement, à force de surcharge, l'invitation prend l'eau. Le chant enchaîne les postures – du cri des entrailles au crooner yaourt – et au final a du mal à cacher le manque de substance du répertoire. On reste aux portes de son univers.

 

 

 

Black Cat Crossin revendique une identité blues et gospel et pratique un rock bien soulful. Le répertoire original le plus élaboré de cette finale sera l'œuvre de ce dynamique quintet alsacien qui bâtit ses morceaux en s'appuyant sur de belles idées de mise en place et une palette sonore travaillée (notamment une basse anguleuse qui fait son effet). Mais ça coince vocalement : les passages en chœurs chancellent là où on les attendait plus forts et le leader en fait trop, son chant en force évoque plus le hardcore des années 90 que les shouters du gospel.

 

 

 

Les deux voix marquantes de cette édition seront féminines. La première à envahir la salle mantaise est celle de Justine Blue, figure centrale du trio montpelliérain Just In Blues. À sa droite l'harmonica amplifié, bourru, tendu d’Harold Wolters. À sa gauche les six cordes volubiles d'Enzo Taguet, habile tricoteur aux solos nerveux et précis, également capable d'ajouter du grave en mode basse via un octaver. Justine égrène quant à elle des rythmiques sur son ukulélé et impose clairement son chant blues. Aplomb, retenue et tenue de notes, ressenti : ça vibre. Le trio pratique un blues feutré un peu trop appliqué et son répertoire fait la part belle aux reprises (Tobacco road, Help me…). Alors, forcément, en plein milieu, on ne peut pas louper ce Toxine, compo blues en français bien troussée, chantée avec autorité. Peut-être une piste à suivre pour faire mûrir un évident potentiel.

 

 

 

Évidence et potentiel sont deux mots qui s’accolent parfaitement au nom d'Iku, toute jeune chanteuse bretonne qui en entonnant Glory box de Portishead dévoile un timbre soul envoûtant, légèrement voilé, angélique, sollicité avec une certaine majesté irradiante. Épaulée par l’expérimenté Roll Pignaut (guitare acoustique, chœurs, harmonica) et un second guitariste très efficace sur sa Stratocaster, Iku interprète ensuite un lot de reprises peu communes (Sweet baby of mine de Ruth Brown, No more love de Buddy Johnson avec Ella Johnson…) jusqu’au People get ready final. Tout ça dans un climat rhythm and blues feutré, saupoudré de soul et de gospel qui ne manque pas de charme mais qui se révèle trop linéaire, d’autant plus qu’Iku s’exprime assise, derrière son clavier ou sur un tabouret central, et laisse la parole à Roll Pignaut entre les morceaux. Iku a 16 ans, c’est-à-dire tout le temps de gagner en assurance scénique et décoller sur d'autres tremplins, pour aller loin. 

 

 

 

Louis Mezzasoma décroche haut la main la palme du charisme. Assis au milieu de son matos, guitare acoustique ou dobro sous le bras, pied qui stompe et l’autre qui tambourine, le Stéphanois en bretelles est à l’aise. Il a le coffre et l’autorité nécessaires pour assumer fièrement son répertoire country blues emmené à coups de slide rageuse et de picking nerveux. Il donne tout, il s’emporte, il y croit à fond, au point d’imposer un rappel en dégainant une cigar box. Juste avant, son explosif Whiskey and blues (slidé, en toute logique, à la bouteille de Jack Daniels) lui donne raison : il sera le seul candidat à faire réagir franchement le public au cours d’un morceau.

 

 

 

Un tremplin s’apprécie aussi pour ses grands écarts de styles d’un finaliste à l’autre. Jack Cockin & his Blues Buddies est un quintet toulousain qui a le cran de se passer de guitare. Ou presque, puisque son leader (chanteur confirmé, bassiste solide) s’illustre d’abord à la slide en acoustique le temps d’un premier morceau qui décolle par l’entremise d’une section cuivre-anche inspirée. Ensuite Cockin ne quittera plus ses quatre cordes et les solos seront l’œuvre du sax ténor, du trombone, du clavier. Leur répertoire maison mêle shuffle, rockin’ blues, groove new orleans pour un tout doté d’une belle dynamique. Dommage que la voix de Cockin ait du mal à se projeter quand le son se densifie. Ça fonctionne mieux dans cette version de Drivin wheel entamée en douceur avant une bascule en shuffle. 

 

 

 

Verdict du jury :
• Prix Révélation : Just In Blues
• Prix Prix OFQJ-Weekend Blues International de Montréal : Kepa
• Coup de cœur Mississippi : Louis Mezzasoma

 

 

Texte : Nicolas Teurnier
Photos © J-M Rock’n’Blues
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