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Live reports / 16.07.2014

Blues Symposium

Le récent symposium sur l’héritage de la musique africaine-américaine et l’évolution de son esthétique, sous la houlette de Dominican University et du magazine Living Blues, constitue une des rares conférences consacrées au blues aux États-Unis. La rencontre a eu le grand mérite de lancer des pistes essentielles : on s’interroge actuellement au sujet de la faible représentation des artistes noirs dans les festivals de blues et parmi les prix remis par les diverses associations musicales. Les artistes africains-américains seraient-ils désavantagés ? Est-ce une question de goût ? Ou bien plutôt de marketing ? D’un choix délibéré des labels et organisateurs ? S’agit-il d’obstacles structurels ? Est-ce dû à un phénomène d’amnésie historique ?

L’invitée principale n’était autre que la grande spécialiste du hip-hop Tricia Rose, qui a expliqué que la musique est un don de l’Amérique noire au monde entier, mais qu’on ne pouvait se permettre d’ignorer les conditions de création du blues, c’est-à-dire le racisme structurel, les problèmes causés par le commercialisme de Beale Street, par exemple, ou encore la destruction par les promoteurs immobiliers des clubs et quartiers noirs urbains pour laisser place à des logements pour les classes aisées.

Une table ronde des plus passionnantes s’est tenue entre autres avec Gayle Dean Wardlow, qui avait en son temps retrouvé le certificat de décès de Robert Johnson, un artiste à la fois authentique et commercial qui savait limiter ses morceaux à trois minutes enregistrables. Jim O’Neal, fondateur de Living Blues, se demande courageusement si les critiques africains-américains, qui pourraient parler différemment au nom des bluesmen, n’ont pas été rapidement évincés.

Des prix furent remis à Bob Koester, patron de Delmark, et à un autre patriarche, Howard Scott, pour cinquante ans à la tête d’une grande famille musicale qui allait d’ailleurs animer la soirée. Le fils de Buddy Scott, Kenneth “Hollywood”, ancien du groupe de Tyrone Davis, était aussi fort présent à la guitare.

 


Howard et Kenneth Scott

 

Une rétrospective a également été consacrée aux superbes photographies de la regrettée Susan Greenberg, ancienne compagne de Lurrie Bell. Ce fût l’occasion d’un concert de Jimmy Burns simplement accompagné d’un pianiste et du saxo d’un invité de marque, Rodney Brown, qui venait de participer à l’atelier sur la protection juridique du contenu créatif.

 


JImmy Burns

 

L’accent a aussi été mis sur le blues sudiste, qui marche très fort là-bas, avec le témoignage de Theo Huff, un jeune chanteur qui allait enflammer Rosa’s Lounge en soirée, celui d’un ancien, Cicero Blake, ainsi que d’une danseuse de Bobby Rush, Jazzii A., qui est aussi DJ (voir  www.wndk.biz). Ce style de soul-blues est pratiqué par de nombreux artistes très actifs, enregistrant et produisant sans grands moyens des vidéos, qui tournent dans un circuit autonome du Sud profond peu couvert par les médias du blues.

 


Cicero Blake

 

En bref, on a abordé des questions que tout amateur responsable doit se poser : ces tendances préoccupantes de désaffection des fondateurs d’un genre musical affectent le statut du blues en tant que création culturelle de la communauté noire. On peut légitimement se demander comment cette contribution peut et doit être préservée, cultivée et respectée in situ.

Texte et photos : Jacques Lacava